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au commerce des ports excellens, qui le codent à peine en étendue à ceux de Bahia et de Rio-Janeiro. Dans ce magnifique empire du Brésil, si riche en admirables points de vue, il n’est peut-être pas de région où l’on puisse contempler de plus beaux paysages que dans la province de Santa-Catarina. Plusieurs voyageurs prétendent que la physionomie du pays tout entier ressemble singulièrement à celle des îles élevées de l’Océanie; ce sont les mêmes collines mollement ondulées, les mêmes groupes pittoresques de palmiers et de fougères, les mêmes courbes gracieuses des plages. D’après M. Avé-Lallemant, la lagune de Desterro et l’île de Santa-Catarina rappelleraient plutôt, par l’harmonie des contours, la baie de Naples et l’île de Capri; mais elles n’auraient pas la mélancolie profonde qui caractérise le golfe napolitain.

Deux ou trois colonies de cette heureuse province de Santa-Catarina sont encore dans un état pénible de gêne et de dépendance. Une de celles qui ont le moins réussi est la colonie du docteur Blumenau, qui jouit cependant d’une grande réputation, grâce à l’énorme publicité que lui a donnée le fondateur et aux subsides considérables votés par le gouvernement brésilien. Le site du village Blumenau est parfaitement choisi : les terres sont des plus fertiles, le fleuve qui parcourt la colonie est accessible aux navires d’un faible tonnage; mais l’aspect de la plupart des cabanes révèle la détresse des habitans. Une forte proportion des émigrans consiste en bourgeois déclassés qu’avaient séduits les descriptions splendides des agens recruteurs. Arrivés dans la forêt vierge et n’ayant que leur hache pour réaliser leurs rêves de fortune, ils ont compris trop tard que l’habitude du travail matériel était le premier élément de réussite pour tous les colons, et la plupart d’entre eux ont dû se louer comme mercenaires pour acquitter leurs dettes et sustenter leur misérable existence. Plusieurs aussi sont morts accablés par la nostalgie. Si le choix des colons est une grande cause de retard pour l’entreprise, les fautes de la direction sont peut-être plus fâcheuses encore. Au lieu de vendre ses terrains et de laisser le colon libre de cultiver à sa guise, la compagnie préfère rester suzeraine et profiter du travail des émigrans pour donner plus de valeur à ses propriétés. La misère pour tous est la conséquence de ce système.

En revanche, les colons qui ont abandonné Blumenau pour s’établir aux environs comme cultivateurs libres ont conquis le bien-être matériel et possèdent déjà de magnifiques plantations. On observe les mêmes résultats dans toutes les autres colonies fondées par des sociétés de spéculateurs. Tant qu’on leur applique le système de la protection, les travailleurs restent dans la misère; mais, dès qu’ils sont devenus les propriétaires du sol, l’aisance entre dans leurs ca-