Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/454

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vrai aussi, c’est qu’en vertu de son organisation, la marine est chez nous une institution tellement isolée au milieu de la nation, tellement ignorée, que cette sympathie a produit peu d’effets réels. Ordinairement elle s’est manifestée par des votes d’argent au budget; mais encore doit-on ajouter que, dans les circonstances difficiles, c’est toujours ce budget que l’on met en cause le premier, et que l’on diminue dans les proportions les plus considérables, jusqu’à lui enlever des crédits déjà votés. Après les désastres du premier empire, la marine s’est trouvée tout d’abord réduite presque à rien. Après la catastrophe du 24 février, l’une des premières mesures financières que prit l’assemblée constituante fut de supprimer l’annuité du crédit de 90 millions que la chambre des députés avait voté d’enthousiasme en des temps plus heureux. La sympathie du public pour la marine est sincère, mais elle n’est pas toujours effective, même seulement en matière d’argent. Aussi, quand nous entreprenons de comparer notre marine à celle de l’Angleterre, devons-nous nous dire, entre autres choses, que non-seulement la nôtre ne puise pas dans un budget aussi riche que sa rivale, mais que de plus, au cas d’une grande lutte, la nôtre n’aurait pas, selon toute probabilité, la chance de voir augmenter ses ressources financières dans des proportions très importantes, tandis que l’on prodiguerait à l’autre tous les trésors d’un échiquier dont les fonds se soutiennent déjà sur le marché général du monde avec un écart à leur avantage de 20 à 22 pour 100 sur les fonds français.

Pour ce qui est de l’industrie, cette autre nécessité de la puissance maritime, l’écart est moins considérable. C’est seulement comme richesse de moyens de production que l’Angleterre nous est encore supérieure; pour la qualité des produits, nous pouvons sans présomption réclamer l’égalité. En ce qui concerne les bâtimens de guerre, il n’est pas besoin d’insister, non plus que pour aucun des détails d’armement. Sur la question si importante des machines, bien des gens compétens affirment qu’à l’user la machine française n’a sous aucun rapport à craindre la concurrence, et que, même en tenant compte des services rendus, elle ne demande pas beaucoup de temps pour prendre des avantages certains. On va jusqu’à dire que, même comme premier prix d’achat, nous pouvons aujourd’hui lutter sans défaveur. On oppose au prix qu’a coûté la machine de 1,250 chevaux du Warrior celui auquel est revenu la machine de 900 chevaux de la Gloire. On assure en effet, mais nous ne connaissons aucun moyen de prouver officiellement la chose, que l’unité du cheval nominal serait revenue dans la machine anglaise à 60 livres sterling, soit 1,650 francs. S’il en est ainsi, elle a coûté réellement plus cher que la machine française, car cette même