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À côté de cette lettre, modèle de fatuité familière et étourdie, je place la relation espagnole du même incident, telle qu’elle fut écrite à la même époque, et qu’elle se trouve dans les archives de Simancas :

« Sans qu’on eût connaissance de la venue du prince de Galles, il arriva soudainement à cette cour le 17 mars 1623, à dix heures du soir, accompagné seulement du marquis de Buckingham, chevalier de la Jarretière, conseiller d’état et grand-écuyer du roi de la Grande-Bretagne, grand-amiral d’Angleterre, et qui a le gouvernement des affaires de ce royaume. Il descendit à la maison du comte de Bristol, ambassadeur extraordinaire dudit roi auprès de cette cour ; et fut bientôt rejoint par les autres personnes de sa suite, qui étaient sept en tout. Le premier qui apprit ce soir-là l’arrivée du prince fut le comte de Gondomar, qui en informa aussitôt le seigneur comte d’Olivarez ; et quoiqu’on s’efforçât de tenir le fait caché jusqu’à ce que l’on comprît bien l’intention et le désir du prince, cela ne se put, et la nouvelle fut divulguée par l’arrivée d’un courrier qu’avait expédié de Londres don Carlos Coloma, ambassadeur extraordinaire de notre roi en Angleterre, et qui arriva le 18 mars, porteur de lettres pour sa majesté.

« Le même jour, samedi, à six heures du soir, le marquis de Buckingham, dans un carrosse du roi notre seigneur, alla trouver le comte d’Olivarez, qui lui donna la bienvenue en termes très amicaux et courtois, et, après avoir conversé quelque temps, le comte monta en voiture avec le marquis, et alla visiter le prince au nom du roi son maître. Le comte s’acquitta de cette commission avec la prudence qu’on devait attendre d’un homme qui sert sa majesté avec tant d’intelligence, de zèle et d’amour.

« Le roi notre seigneur, en témoignage de la joie que lui causait justement la venue d’un tel hôte, sortit en public le dimanche suivant, 19 mars, ayant dans son carrosse la reine notre souveraine et nos seigneurs l’infante Marie et les infans Carlos et Fernand. Le cortège fut grand ce jour-là, tant des dames de la reine et de son altesse l’infante que de la noblesse et des principaux de la ville et des gens de la maison du roi. Leurs majestés se rendirent aux Recoletos Agustinos en passant par la Calle Major. À la porte de Guadalajara se tenaient, enfoncés dans leur carrosse, le prince de Galles et le marquis de Buckingham, les ambassadeurs extraordinaire et ordinaire d’Angleterre, et le comte de Gondomar, qui était resté auprès du prince depuis son arrivée. Au moment où le carrosse de leurs majestés rencontra celui du prince, le roi notre seigneur salua les ambassadeurs de son chapeau, dans la forme accoutumée, et sans autre démonstration, et il continua sa promenade. Le prince, traversant plusieurs rues, s’arrêta près de San-Geronimo, et leurs majestés,