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déplut souverainement aux Espagnols. « Il restait quelquefois couvert quand son prince était tête nue, et assis quand son prince était debout ; tout à coup et n’importe devant qui, il faisait des pas de danse ou marmottait entre ses dents des fins de sonnet. » Ennemi de lord Bristol, à qui la cour d’Espagne portait estime et confiance, il fut bientôt en aussi mauvais termes avec le comte d’Olivarez. Comme ils discutaient un jour entre eux la possibilité que le prince de Galles se fît catholique, Olivarez dit que Buckingham lui en avait donné l’espérance : « C’est faux ! s’écria Buckingham, et je suis prêt à le soutenir de la façon qui vous conviendra ! » Soit prudence, soit respect pour le prince qui était présent, Olivarez se contint ; mais il voua de ce jour à Buckingham une haine profonde. Il en eut, selon quelques récits du temps, un motif encore plus personnel et plus intime. Buckingham fit, dit-on, à la comtesse d’Olivarez une cour téméraire, et en obtint un rendez-vous ; mais, quand vinrent le jour et l’heure de la rencontre, la comtesse, saisissant cette occasion de venger son mari, fit trouver à sa place une fille de profession honteuse, et Buckingham, qui se fût peut-être vanté de sa bonne fortune, n’eut qu’à bien cacher sa mésaventure. Invraisemblable en soi, car la comtesse d’Olivarez, bossue et laide, au dire des contemporains, était déjà à cette époque d’un âge assez avancé, l’anecdote est démentie par les témoignages les plus authentiques. Quoi qu’il en soit, Buckingham devint à la cour et dans Madrid l’objet d’une antipathie de plus en plus prononcée : le roi Philippe IV le traitait avec une extrême froideur ; le conseil d’état espagnol trouva irréguliers ses titres pour prendre part à la négociation, et lui en contesta le droit ; on allait jusqu’à dire « qu’on aimerait mieux jeter l’infante dans un puits que la mettre entre ses mains. » Les Anglais de sa suite étaient encore plus impertinens que lui : ils se moquaient de l’orgueil espagnol dans la pauvreté espagnole ; ils passaient leur temps à jouer aux cartes, ne trouvant, disaient-ils, à Madrid rien de plus agréable à faire ; ils affichaient pour les croyances et les cérémonies religieuses de l’Espagne un mépris ironique, et unissaient ainsi dans une même aversion pour eux le clergé, la cour et le peuple.

Cependant la négociation pour la dispense papale suivait à Rome son cours : les 20 avril et 19 mai 1623, Grégoire XV écrivit au prince Charles et à Buckingham des lettres caressantes, n’entrant avec eux dans aucune discussion sur les conditions de la dispense qu’on lui demandait, mais se félicitant qu’ils ne cherchassent le mariage espagnol que comme une preuve qu’ils étaient disposés à rentrer dans le sein de l’église catholique, et les pressant d’aller jusqu’au bout de la voie où ils marchaient. Le 20 juin, Charles répondit au pape, sans prendre aucun engagement précis, mais en termes respectueux et doux :