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la plupart des Espagnols qui l’avaient accompagné ; mais, dans son contentement, il resta si tard à bord du vaisseau amiral le Prince que, lorsqu’il en descendit dans sa barque pour retourner à la ville avec sa suite, la nuit était déjà venue. Il y avait une lieue de la flotte au rivage ; une tempête s’éleva. « Les matelots qui conduisaient la barque du prince s’étaient trop livrés à la joie de le revoir en sûreté au milieu d’eux ; ils avaient négligé de prendre un maître pilote ; quelque hardis et habiles qu’ils fussent, ils ne savaient pas se servir de leurs rames sur cette mer furieuse aussi bien que dans les eaux de la Tamise ; la marée et le vent étaient contre eux. Après avoir fait la moitié du chemin, ils virent qu’ils ne pourraient atteindre la terre sans courir le risque d’être brisés contre les rochers : ils essayèrent de regagner la flotte ; mais l’obscurité et la force des courans ne leur permettaient pas de se diriger avec précision. » Le danger devenait grave ; le capitaine du vaisseau la Défiance sir Sackville Trevor, reconnut la barque royale, fit couvrir son bâtiment de torches allumées et jeter de tous côtés des cordes ; les matelots de la barque s’en saisirent, et quelques minutes après le prince et sa suite étaient en sûreté à bord. Charles passa encore sept jours entre la rade et la ville, tantôt fêté à Santander par les Espagnols, tantôt les fêtant à bord de son vaisseau. « Son altesse avait dit adieu à l’Espagne, et se trouvait enfin dans son propre empire, la mer. Là elle recevait, avec la largesse britannique les grands de l’Hespérie étonnés de trouver, dans le désert de l’Océan, des fêtes qui surpassaient celles de leur superbe Madrid. »

C’était ainsi que le poète Waller célébrait, quelques mois après, le départ de Charles, qui, malgré ces brillantes apparences, dit à son bord, en mettant enfin à la voile le 28 septembre : « C’est une grande faiblesse et folie aux Espagnols de me laisser partir si librement après m’avoir au fond si mal traité. »


VII

Dans la même flotte qui ramenait le prince de Galles en Angleterre, sur le vaisseau le Saint-George, était un grand seigneur espagnol, don Diego Hurtado de Mendoza, que le roi Philippe IV envoyait comme ambassadeur extraordinaire au roi Jacques pour le féliciter sur le retour de son fils, et sans doute aussi pour observer, pendant le voyage et à l’arrivée, l’attitude et les dispositions du prince, du roi, de la cour et du peuple anglais. Charles débarqua à Portsmouth le dimanche 5 (15) octobre au milieu des acclamations enthousiastes de la population, qui se trouvait à cette heure réunie dans les églises, et qui accourut tout entière sur le port au bruit de