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son arrivée. Il en repartit sur-le-champ avec Buckingham pour aller coucher le même soir à Guilford, chez lord Annandale, d’où il se rendit le lendemain matin à Londres. L’ambassadeur espagnol aurait bien voulu suivre partout de près le prince ; mais soit hasard « soit par suite de quelques soins prémédités, il ne put ni débarquer, ni repartir assez vite pour remplir exactement sa mission. » Le prince sortait de Portsmouth par une porte, dit sir John Finett, qui était chargé d’escorter Mendoza, que nous n’avions pas encore réussi à y entrer par l’autre, Logés, dans la ville par billet du maire, nous y passâmes trois jours, tant il y avait de foule et d’embarras, avant que nous pussions nous pourvoir de voitures, de fourgons et de chevaux pour aller à Londres. » L’ambassadeur parvint enfin à se mettre en marche et à rejoindre à Londres[1] les deux autres ambassadeurs, ordinaire et extraordinaire, de son roi, don Carlos de Coloma et le marquis d’Inojosa, qui le reçurent à Exeter-House. Instruit de son arrivée, le roi Jacques lui envoya son grand chambellan pour lui offrir un logement et le défrayer pendant son séjour ; mais Mendoza s’y refusa. « Le marquis d’Inojosa est mon parent, dit-il ; je resterai chez lui et je me défraierai moi-même ; c’est assez d’honneur pour moi que le roi me fournisse les meubles et les tentures de ma chambre. »

L’enthousiasme de Londres à l’arrivée du prince Charles fut, dit l’archevêque Laud dans son journal, « la plus vive et la plus universelle explosion de joie que j’aie vue en ma vie. » dès qu’on sut qu’il allait arriver, toutes les cloches de la ville furent en branle, toutes les rues et toutes les églises pleines pour le voir passer et pour bénir Dieu de son retour. Il descendit d’abord au palais épiscopal de Lambeth, d’où l’archevêque Abbott le conduisit par la Tamise à York-House et de là à Whitehall, où le conseil du roi vint le féliciter. Charles ne s’arrêta que quelques heures à Londres, se refusa il l’empressement peu opportun du marquis d’Inojosa, qui lui demanda à l’instant même une audience, et repartit le soir pour Royston, où l’attendait le roi son père. « Toute cette journée, dit dans sa prose sincèrement affectée et emphatique un témoin oculaire, se passa, de la part de tout le monde, grands et petits, riches et pauvres, en divertissemens, fêtes, triomphes et actions de grâces ; les quatre élémens, le feu, l’eau, l’air et la terre, semblaient applaudir à ce bienheureux jour ; le ciel versa pendant neuf heures une pluie que la terre sèche et avide buvait avec joie, je pourrais dire avec amour, à la santé d’une si belle solennité. Dans toutes les places, rues, cours, coins et recoins, le feu ou plutôt les feux de joie s’élevaient au ciel

  1. Le 20 (30) octobre 1623.