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d’engagement rendraient la princesse impropre à tout autre mariage, de quoi la princesse, en apprenant ce propos, a été très offensée, et elle a dit que les gens du conseil étaient des impertinens de croire qu’elle fût une femme prête à un second amour et à recevoir deux fois leur approbation pour divers maris. La vérité est qu’en l’absence de votre altesse la princesse à déclaré son affection pour vous plus qu’elle n’avait jamais fait quand vous étiez ici, et votre altesse ne peut imaginer combien le roi, l’infante et toute la cour sont charmés de vos lettres quotidiennes au roi et à elle.

« Depuis que j’ai su votre altesse embarquée, j’ai parlé de l’appréhension où vous aviez paru être que l’infante n’entrât en religion après les fiançailles. La comtesse d’Olivarez en a entretenu l’infante, qui s’est fort égayée à l’idée qu’on pût avoir un tel doute ; jamais en sa vie, a-t-elle dit, elle n’a pensé à se faire religieuse, et elle aurait grand’peine à le devenir maintenant, uniquement pour éviter le prince de Galles, à qui elle doit une reconnaissance infinie. J’ai répondu que vous ne doutiez nullement de la bienveillance de la princesse, mais qu’elle pourrait être contrainte à ce que d’autres personnes exigeraient d’elle, car votre altesse voyait qu’on ne faisait rien ici que ce que voulaient les théologiens ou le conseil. À cela, et après en avoir parlé à la princesse, on m’a répondu qu’après les fiançailles la princesse serait elle-même sa maîtresse, que ni le roi ni le conseil n’auraient rien à voir auprès d’elle en pareille affaire, et qu’elle ne doutait pas que, s’il était convenable qu’elle écrivît elle-même au prince, elle dissiperait aisément ce doute et tout autre qui pourrait s’élever sur son affection pour votre altesse. La vérité est que je n’ai jamais parlé de ce scrupule sans que la comtesse d’Olivarez éclatât de rire, et elle m’a dit que la princesse en faisait autant. Et pour dire mon opinion à votre altesse en fidèle serviteur, je dois la prévenir que, si l’on insistait sur ce doute, il y serait à l’instant répondu et satisfait de telle sorte qu’on n’y pourrait plus voir qu’un prétexte d’ajournement ou de rupture. Je demande donc humblement à votre altesse de promptes instructions à ce sujet.

« Je finirai cette lettre en disant à votre altesse que je rends mes devoirs une fois par jour à la princesse en présence de la reine. Elle me reçoit très gracieusement, et me parle toujours très affectueusement de votre altesse, Je prie Dieu de rendre votre altesse aussi heureuse en toute chose qu’elle le sera en femme, car il n’y a certainement pas au monde une plus digne et plus vertueuse princesse. »

Quoiqu’on se méfiât un peu à Madrid des dispositions et de l’influence de Buckingham, on ne se doutait pas des hésitations de Londres