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à lui, pleinement satisfaisantes, le comte de Bristol, touché aussi de la question d’honneur, lui écrivit en outre : « Que votre altesse me permette maintenant de lui parler en fidèle et franc serviteur. Si c’est le vœu de votre altesse qu’il soit fait usage, pour votre mariage, des pouvoirs que vous avez laissés entre mes mains, je ne doute pas que votre altesse n’obtienne à cet égard telle satisfaction que tout le monde trouvera raisonnable ; mais si votre altesse désire qu’il ne soit pas fait usage de ces pouvoirs, ils pourraient être retenus pour d’autres bonnes raisons qui naîtront dans la négociation des intérêts matériels, et on pourrait, je crois, faire différer les fiançailles sous des prétextes plausibles. Mais voici, à mon sens, les inconvéniens qui en résulteront. D’abord ce sera un grand déplaisir pour l’infante, qui, tant que les fiançailles ne sont pas faites, ne s’appartient pas à elle-même, et est gouvernée selon le bon plaisir du conseil, ce dont elle commence, je crois, à être lasse. Jusque-là elle ne peut déclarer qu’elle vous appartient, ni vous plaire en répondant à vos lettres et à vos messages, et en vous témoignant les respects et les soins qu’elle serait, je le sais, charmée de vous rendre. Si elle pouvait, d’une façon quelconque, supposer que le retard des fiançailles vient de votre altesse, elle le prendrait, je pense, avec beaucoup d’amertume. Cela inspirerait d’ailleurs au roi et à ses ministres de grandes méfiances, et les résolutions qu’il faut prendre pour exécuter ce qui a été convenu en seraient fort ajournées. Voici donc ce que je soumets à la sagesse de votre altesse : quand vous aurez reçu, sur le point spécial qui vous a préoccupé, la satisfaction quelconque que vous désirerez, et quand les articles de la dot seront réglés, votre altesse veut-elle que, même après l’arrivée de l’approbation, du pape, je me fasse encore scrupule de remettre au roi d’Espagne les pouvoirs de votre altesse pour le mariage ? Si c’est là votre intention, je suis sûr qu’on ne me pressera point, car il ne serait pas décent qu’on insistât, du côté de la femme, pour la prompte célébration ; mais, indépendamment même du mécompte et du chagrin qu’en ressentira l’infante (ce qui me touche par-dessus tout), cela fera naître de tels ombrages et de telles méfiances que toute l’affaire en sera entravée, et que nous verrons le roi d’Espagne et ses meilleurs conseillers arrêter toutes les démarches, tous les préparatifs auxquels ils se livrent aujourd’hui de bonne humeur et avec confiance, décidés, comme je crois qu’ils le sont, à accomplir ponctuellement tout ce dont ils sont convenus avec votre altesse. »

Ces lettres de lord Bristol, les informations qu’il transmettait, les observations qu’il présentait, embarrassèrent un peu à leur tour le ; roi Jacques et son fils. Ils reconnurent que la crainte devoir l’infante se retirer dans un couvent, quand une fois les fiançailles auraient