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le roi Jacques triste, mais toujours soumis à son favori ; le prince Charles et Buckingham étroitement unis ; les ennemis de Buckingham vaincus et lui demandant pardon ; les deux chambres et le peuple regardant Buckingham, en religion et en politique, comme le sauveur du prince et du pays.

Le discours du roi Jacques, en ouvrant la session, fut, selon sa coutume, prétentieux et pédantesque, mais au fond embarrassé et modeste. Il donna pour motif du voyage du prince Charles en Espagne la nécessité de voir clair enfin dans les intentions de la cour de Madrid, « de qui je recevais, dit-il, d’aussi grandes promesses que je pouvais le désirer ; mais les actions étaient contraires. » Il déclara qu’il avait donné Buckingham pour compagnon à son fils « comme l’homme en qui il avait le plus de confiance. » Il annonça que ses secrétaires, d’après les informations et sous la garantie de son fils et de Buckingham, raconteraient aux deux chambres tout ce qui s’était passé dans cette négociation, et que lorsqu’elles auraient tout entendu super totam materiam, il leur demanderait leur bon et salutaire avis pour la gloire de Dieu, la paix du royaume et le bien de ses enfans. »

Les deux chambres accueillirent avec une joie fière ces paroles du roi, qui remettait ainsi entre leurs mains le sort de son fils et la politique extérieure du pays. Elles se réunirent en conférence dans la salle des banquets de Whitehall[1], et là, Buckingham, en présence et avec l’adhésion formelle du prince Charles, exposa lui-même, avec une verve prolixe, mais adroite, tous les faits et toutes les questions de la négociation. La tâche ne lui fut pas difficile : depuis qu’il avait ramené le prince en Angleterre et qu’il se montrait opposé au mariage espagnol, « il était devenu, dit le chapelain du garde des sceaux Williams, l’Alcibiade qui charmait la république. Quand il affirma qu’il n’avait voulu s’accorder en rien avec les Espagnols tant que le prince électeur, le mari de la princesse d’Angleterre, ne serait pas rétabli dans ses états, il émut jusqu’à la moelle les cœurs de ses auditeurs. Et quand il raconta avec quelle fermeté le prince avait maintenu les principes de la vraie foi, et avec quel zèle scrupuleux il avait veillé, lui Buckingham, à ce que nul émissaire ne vînt empoisonner l’âme de son altesse, il enleva l’approbation universelle ; tous dirent que le prince s’était comporté en vaillant capitaine de la sainte vérité, et que le duc méritait le beau nom d’un lieutenant dévoué, sous lui, à la cause de Dieu, car il a toujours été facile d’éblouir le bon peuple d’Angleterre avec le flambeau de la religion. »

  1. Les 24 février et 1er mars (5 et 10 mars) 1624.