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avaient ouvert le fond de leur cœur à Constantinus Angelicus et l’avaient chargé d’être l’interprète de leurs vœux auprès de l’église d’Orient. Quels étaient ces vœux, et sur quelle base pouvait se conclure l’alliance ? Qu’y avait-il de commun entre l’église byzantine et l’église de Bohême, l’une si subtile et si superficielle en même temps, l’autre si naïve et si ardente en sa naïveté ? Ces rapports, s’ils se fussent établis, auraient éclairé sans doute d’un jour nouveau toutes les questions encore bien confuses que soulève la réforme de Jean Huss ; malheureusement les négociations, à peine ouvertes, furent arrêtées à jamais. C’est le 29 septembre 1452 que le consistoire hussite rédigeait sa réponse à l’église grecque ; huit mois après, le 23 mai 1453, les Turcs étaient maîtres de Constantinople. Sous le joug d’un conquérant sauvage et fanatique, le patriarche Gennadius avait d’autres problèmes à résoudre, d’autres intérêts à poursuivre que la réunion des hussites à l’église orthodoxe.

George de Podiebrad, on le voit par sa rupture avec le légat et par l’épisode que nous venons de raconter, n’avait donc point réussi à faire avancer d’un seul pas l’insoluble question de l’archevêque de Prague ; n’était-ce rien pourtant que d’avoir maintenu le droit de l’église nationale et d’avoir déployé autant de vigueur en face de l’outrage que de modération et de finesse en face de la diplomatie romaine ? Quant à la question du roi, George put la mener à bonne fin, grâce à des auxiliaires tout à fait inattendus. L’adversaire des hussites, Ulrich de Rosenberg, occupé jusqu’alors à prolonger, l’interrègne pour complaire à l’empereur et mériter son appui, venait de changer de politique, en haine de Podiebrad. Le vieux seigneur, décidément battu par son jeune rival, n’avait plus qu’un moyen de le renverser du pouvoir, de ce pouvoir qui ressemblait à une royauté : c’était d’asseoir sur le trône le vrai roi, le royal enfant, le royal orphelin Ladislas, élevé auprès de l’empereur Frédéric III, et pour ainsi dire captif sous sa jalouse tutelle. Poussé par son intérêt dans un camp hostile à l’empereur, délié d’ailleurs de tout engagement envers le souverain qui avait aidé Podiebrad à prendre la lieutenance du royaune de Bohême, Ulrich de Rosenberg fit alliance avec deux partis puissans qui, à ce moment-là même, pour des motifs très différens, voulaient arracher Ladislas à la tutelle de l’empereur. Ladislas n’était pas seulement roi de Bohême, il était roi de Hongrie et duc d’Autriche. Or les Hongrois, Hunyade en tête, voulaient soustraire Ladislas aux conseils de son tuteur, les Autrichiens le réclamaient aussi, et quand Ulrich de Rosenberg vint se joindre aux deux partis en leur promettant l’appui de la Bohême, ce fut le signal d’une insurrection formidable. Frédéric III, assiégé dans son palais de Wienerisch-Neustadt, est forcé de remettre Ladislas aux mains du comte de Cilly, son parent (4 septembre 1452).