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Plaisanterie à part, nous pouvons résumer ainsi ces remarques sur les mœurs de l’Angleterre à propos de quelques romans nouveaux. Au rapprochement, au mélange de deux nationalités aussi fortement contrastées que celles de l’Angleterre et de la France, il y a sans doute un bénéfice probable, mais il y a aussi un danger à prévoir. Cette merveille de l’art médical, la transfusion du sang, n’est pas une épreuve plus délicate et ne rencontre pas moins de difficulté, n’est pas sujette à moins de périlleux accidens. Il faut donc y veiller de près, et il appartient à quiconque peut agir sur le courant variable des idées et les fluctuations qu’il détermine de signaler tout fâcheux symptôme, de combattre tout principe désorganisâtes ou corrupteur. C’est sous ce rapport que devient sérieuse et d’un intérêt pressant l’étude des fictions en apparence les plus insignifiantes et les plus frivoles. Le nombre de ces fictions, qui croît toujours, leur puissance d’expansion et de propagation, l’attentive curiosité qui leur est accordée, la popularité dont elles jouissent, ne permettent à personne de méconnaître le rôle qu’elles jouent dans l’enseignement de la société contemporaine. Mêlées pour ainsi dire à l’atmosphère intellectuelle que l’on respire, soit chez nous, soit chez nos voisins, elles peuvent, dans une certaine mesure, le purifier ou le vicier. Les analyser avec soin et apprécier avec exactitude les tendances qu’elles accusent, vérifier ainsi par de fréquentes observations îles résultats de ces rapports qui s’établissent, multipliés de jour en jour, entre les deux littératures, anglaise et française, ce n’est, après tout, à notre avis, ni une tâche futile ni un travail superflu.


E.-D. FORGUES.