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gaufrées et auxquelles sont suspendus des étriers d’argent. Le luxe appliqué à la monture et à l’exercice du cheval n’est-il point comme le reflet d’une ancienne race guerrière ?

Les départemens consacrés aux colonies anglaises du nord de l’Amérique sont autant de musées. Il me semble que j’ai vu l’île de Terre-Neuve (Newfoundland), ou du moins tout ce que j’ai besoin d’en connaître, avec ses métaux, ses fourrures, ses hermines, ses élans, ses renards, ses coqs de bruyère, revêtus de leur plumage d’hiver, qui se confond avec la couleur des neiges. De Nova-Scotia je puis me faire une idée par les morues, les maquereaux, les mollusques, les crustacés énormes péchés autour des côtes, par les canards sauvages et par les croquis offrant les principales vues du pays. Le Canada se raconte en quelque sorte par ses lourds épis de blé, ses montagnes de fer et de cuivre, ses bois, et surtout des peintures à l’huile où l’on voit tomber les cascades, se dresser au clair de lune, avec des airs de fantôme, les rochers couverts de sapins, et s’étendre ces interminables prairies où paissent des troupeaux à demi sauvages. Soixante-dix espèces d’arbres, dont cinq ou six seulement sont exportées jusqu’ici, proclament la richesse des forêts canadiennes. Ces arbres, dont le bois est pourtant estimé, se trouvent aujourd’hui regardés par les colons plutôt comme des ennemis que comme des alliés. Ne voyez-vous pas suspendues au mur, en manière de trophée, ces haches courtes et au fer tranchant ? C’est avec elles que l’homme blanc a vaincu, forcé et éclairci le désert. On s’accorde à reconnaître que le colon américain est de tous les peuples de la terre celui qui tire le mieux parti de cette arme. Il fait avec sa hache ce que d’autres ne pourraient faire qu’avec le secours d’outils très compliqués. Est-il étonnant, après tout, qu’il ait gardé pour cette épée de la civilisation comme l’appelle un poète du Nouveau-Monde, l’espèce de culte qui s’attache chez tous les peuples à l’instrument de la conquête ?

L’idée de faire entrer dans une exposition de l’industrie les minéraux, les fossiles, divers échantillons du sol et du sous-sol, les arbres, les plantes, les coquillages, les insectes, les oiseaux, les mammifères, les portraits des races humaines, est une idée nouvelle. Jusqu’ici ces divers objets étaient relégués dans les musées et les cabinets d’histoire naturelle. Ou je me trompe fort, ou cette innovation indique un vrai progrès dans les méthodes, un grand pas vers l’application de la science aux besoins de l’économie politique. Considérer les animaux domestiques à la fois comme des œuvres de la nature et comme des produits de l’industrie humaine, c’est entrer dans une voie où le génie pratique de l’Angleterre rencontre toutes nos sympathies. N’est-il point curieux par exemple de voir les Indes occidentales céder une partie de leurs richesses animées à l’Aus-