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ou emprisonnés, des convois d’argent pillés alternativement par les deux partis, des conventions incessamment violées, tous les Européens, Allemands, Français, Anglais, Espagnols, atteints dans leur vie ou dans leur propriété, soumis au régime des exactions et des contributions forcées, c’est là depuis longtemps la désastreuse histoire des colonies étrangères au Mexique. Quelle était notamment la situation de la France, de l’Angleterre et de l’Espagne en 1861, à la veille de l’intervention ? La France avait à réclamer pour une multitude de ses nationaux pressurés ou égorgés, pour deux ou trois conventions toujours inexécutées. Un de ses agens, son consul à Tepic, avait été assassiné, et c’était un des officiers des bandes libérales, le colonel Rojas, qui avait été le promoteur de ce meurtre. À Mexico même, au mois d’août 1861, le ministre de France, M. Dubois de Saligny, était attaqué à main armée et menacé dans sa vie Sans obtenir aucune protection du chef de la police du gouvernement, L’Angleterre avait aussi à réclamer pour un vol officiel de 600,000 piastres fait à la légation même de vive force, pour le rapt d’un convoi d’argent récemment pillé à Laguna-Seca. Quant à l’Espagne, ses griefs étaient plus nombreux et plus graves, et ils remontaient plus haut ; ils dataient originairement d’une convention de 1853, qui n’avait jamais eu d’exécution. En 1856, de véritables massacres avaient été organisés contre les Espagnols dans les environs de Cuernavaca. des l’avènement de M. Juarez ; le lendemain, l’ambassadeur de la reine, M. Pacheco, avait été brutalement expulsé. Ce ne sont là que quelques-uns des faits principaux.

Je n’ignore pas que l’Europe, dans ses rapports avec l’Amérique et particulièrement avec la république mexicaine, peut être portée quelquefois à pousser fort loin la protection d’intérêts qui ne sont pas tous également respectables. C’est la conséquence d’une situation violente où l’excès de la protection ne suffit même pas. Je ne nie pas non plus que tous les partis n’aient leur responsabilité dans les incidens que je signalais, que des convois d’argent n’aient été pillés par les chefs conservateurs, que le vol fait il y a deux ans à la légation britannique n’ait été notamment l’œuvre de Miramon ; mais ce qu’on peut dire, c’est que ces exactions, ce mépris des intérêts étrangers ont pris surtout un caractère systématique depuis l’avènement au pouvoir de M. Juarez et de son parti. Rien ne le prouvait mieux que cette résolution étrange d’un gouvernement et d’un congrès prononçant, par la loi du 17 juillet 1861, la suspension de toutes les conventions étrangères, abolissant de leur propre autorité des garanties revêtues de l’inviolabilité diplomatique, et prétendant donner une sorte de sanction légale à ce qui n’était du moins jusque-là qu’un fait criant et abusif.