bien des années déjà, l’Espagne essayait périodiquement de sonder la France et l’Angleterre pour les provoquer à une démonstration collective. Agitée de velléités et de désirs d’action, elle hésitait visiblement à s’engager seule ; elle sentait le danger de s’aventurer dans une entreprise sérieuse en face des États-Unis, qui alors n’étaient pas eux-mêmes livrés à la guerre civile ; elle n’ignorait pas que, plus que toute autre puissance, elle pouvait rencontrer au Mexique une résistance de sentiment national, les vieilles haines de la guerre de l’indépendance ; enfin elle ne se sentait pas, et elle l’avouait, des forces navales suffisantes pour en appeler définitivement aux armes. C’est ce que le ministre des affaires étrangères, M. Calderon Collantes, répondait en 1859 à M. Pacheco, qui demandait qu’on agît énergiquement. L’Espagne se préparait sans doute, elle parlait quelquefois de partir seule ; mais elle n’était pas partie, et en attendant eue épuisait les dernières ressources des négociations. Il n’y avait donc encore en 1861 que des efforts isolés et divergens. Le traité du 31 octobre venait donner une forme précise à une pensée jusque-là indécise et confuse. Une situation toute nouvelle s’ouvrait dès lors. On a là l’expédition mexicaine dans son point de départ, dans sa conception première. On ne négociait plus, on s’alliait pour agir ; on savait d’où l’on partait, mais savait-on vers quel but on marchait et ce qu’on allait faire ?
Certes, à n’observer que la situation générale du monde occidental, cette multitude de questions qui s’agitent en Europe, tous ces problèmes de réforme, de réorganisation, de nationalité, qui d’une heure à l’autre peuvent enflammer un continent où se débattent pour nous des intérêts de grandeur bien autrement puissans, — à n’observer que cette situation, peut-être eût-il mieux valu se borner à une action sommaire, essayer encore une fois d’infliger une correction à l’anarchie mexicaine, et de conquérir un peu de sécurité pour les intérêts européens sans se hasarder dans l’inconnu. C’est un doute qui a surgi à la fois dans bien des esprits, qui a pesé et qui pèse encore sur cette expédition du Mexique, Une action sommaire se bornant à demander et à imposer des satisfactions, des réparations toutes matérielles, était-ce là cependant la pensée de l’alliance du 31 octobre ? En présence de toutes les interprétations qui sont entrées en conflit, et qui ont conduit à un dénoûment si étrange, il faut bien se rappeler ce que dit ce traité du 31 octobre. Il dit que la France, l’Angleterre et l’Espagne, « se trouvant placées par la conduite arbitraire et vexatoire des autorités de la république du Mexique dans la nécessité d’exiger de ces autorités une protection plus efficace pour les personnes et les propriétés de leurs sujets, ainsi que l’exécution des obligations contractées envers elles par la république du