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le gouvernement français jugeait nécessaire d’envoyer de plus grandes forces de terre au Mexique. Le comte Flahaut croit que la précipitation avec laquelle on a commencé les opérations sans attendre les forces de la France et de l’Angleterre pourrait augmenter les difficultés de l’expédition, qu’il serait maintenant inévitable que les alliés s’avançassent dans l’intérieur, et que dans ce cas non-seulement les forces envoyées étaient considérées comme insuffisantes, mais que, l’affaire prenant ce caractère, l’empereur ne pouvait voir avec plaisir que les forces françaises fussent dans une position d’infériorité vis-à-vis de celles de l’Espagne, au risque de se trouver compromises. J’ai dit à l’ambassadeur français que je regrettais cet événement, mais, que je n’avais rien à opposer dès que le gouvernement de l’empereur désirait que les forces de la France ne fussent pas inférieures à celles de l’Espagne. J’observai uniquement qu’il ne serait pas possible au gouvernement de sa majesté britannique de détacher au Mexique un plus grand nombre de troupes anglaises… » La France avait pu laisser d’abord volontiers une sorte de prééminence à l’Espagne dans l’expédition du Mexique ; elle ne pouvait lui laisser le droit de peser sur la suite de la question par la supériorité de ses forces. Ainsi on était à peine parti qu’on se trouvait dans l’inconnu, qu’on n’était plus maître de ses résolutions, et que l’expédition se heurtait contre un premier hasard. Ce n’était pourtant encore qu’un commencement, un prologue un peu embarrassé.

On touche au Mexique ; on est définitivement à la Vera-Cruz dans les premiers jours de janvier. Tous les plénipotentiaires se trouvent réunis. Le vice-amiral Jurien de La Gravière a le commandement en chef des forces de terre et de mer, et partage les pouvoirs diplomatiques avec M. Dubois de Saligny, ministre de France au Mexique. Sir Charles Wike, envoyé anglais à Mexico, et le commodore Dunlop représentent l’Angleterre. Le général Prim réunit dans ses mains tous les pouvoirs diplomatiques et militaires ; il est à la fois général en chef du corps expéditionnaire espagnol et plénipotentiaire de la reine Isabelle. C’est ici justement qu’éclate au milieu de la division des pouvoirs, de l’incohérence des directions, de la divergence des conseils, de toutes les complications prévues ou imprévues d’hommes et de choses, une disproportion singulière entre la pensée première de l’expédition, si tant est qu’on se fût avoué exactement tout ce qu’on allait faire, et les moyens d’action. Et d’abord tout avait-il été bien calculé dans le choix de quelques-uns des hommes chargés d’aller remplir cette obscure et épineuse mission ? Le général Prim avait fait sans doute ce rêve de Vichy qu’une lettre de l’empereur a révélé depuis, et qui a eu un si singulier réveil : il avait demandé, c’est le général O’Donnell qui l’a dit dans le congrès espagnol, le commandement