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la rupture de l’alliance et par le rembarquement de l’armée espagnole, aussi bien que de ce qui restait encore d’Anglais au Mexique. C’est entre le 20 mars et le 9 avril 1862 que se dénoue ce drame étrange de la rupture d’une alliance. Que le système de vexations et de violences obstinément suivi par le gouvernement de M, Juarez eût attiré l’attention des plénipotentiaires, c’est ce dont on ne peut douter, et, chose remarquable, il y eut un moment où le général Prim était le plus ardent aux récriminations, le premier à parler de rouvrir les hostilités. Il était, avec sir Charles Wike, repris d’une humeur belliqueuse qu’il épanchait dans des lettres pleines d’une familière vivacité. Le 20 mars, il écrivait d’Orizaba à l’amiral français, qui ne laissait point d’être surpris :


« Cher amiral, suceda lo que Dios quiera, — arrive ce que Dieu veuille ! — Vous me conserverez votre amitié comme vous aurez la mienne, et puisque nos engagemens sont les mêmes depuis que nous faisons de la politique ensemble, j’espère en Dieu que nous nous en tirerons honorablement pour la gloire de nos souverains, pour la grandeur de nos pays et pour notre honneur même. Votre idée comme la mienne est de ne pas brûler nos vaisseaux sur un prétexte futile, car cela aurait l’air d’une querelle allemande, et par conséquent serait indigne des hautes puissances que nous représentons et indigne de nous-mêmes ; mais en même temps, vous comme moi, nous sommes décidés à brûler nos vaisseaux et à brûler le Mexique même, depuis Vera-Cruz à la Sonora, sans épargner le fameux Chiquihuite, dans le cas où le gouvernement ne ferait pas droit à nos justes réclamations. N’êtes-vous pas de mon avis ? Par exemple nous avons sur le tapis la question relative aux vexations que le gouvernement commet contre nos nationaux pour leur faire payer la contribution de 2 1/2 pour 100 sur les capitaux ; nous avons encore à leur reprocher un autre attentat, celui d’exiger de six maisons de la capitale, dont trois sont espagnoles, un emprunt forcé de 500,000 piastres. Nous avons aussi à les empêcher d’exécuter la menace de M. Doblado, de fermer la communication commerciale de la Vera-Cruz avec l’intérieur du pays dans le cas où la douane ne leur serait pas rendue. En voilà trop pour des puissances comme nous le sommes ici ! En voilà assez pour brûler nos papiers et marcher en soldats ! Réunissons-nous ici au plus tôt et agissons. J’ai prié déjà M. de Saligny de venir ; venez vous-même, le commodore arrivera aussi. Sir Charles Wike est d’accord avec moi. Réunissons-nous donc, et que cela finisse ! »


Le lendemain 21, le comte de Reus renouvelait ses plaintes et reproduisait ses griefs en ajoutant : « Pouvons-nous permettre que, pendant que nous sommes tranquilles dans nos cantonnemens, le gouvernement continue ses vexations contre nos nationaux dans toute la république ? » Et l’amiral répondait en élevant la question :


« Je regrette beaucoup les vexations dont vous vous plaignez, mon estimable comte ; je les trouve odieuses, et je suis résolu à en tirer réparation ; mais ce ne sont pas nos seuls griefs. Ce dont vous vous plaignez n’est que