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originel aux régions de la Bactriane et du Haut-Oxus. Des caractères communs de tout genre, physiques, linguistiques, intellectuels, religieux, moraux, les distinguent nettement de la race sémitique et de la race noire, qui les avoisinent au sud, de la race mongole, qu’ils ont laissée à l’ouest, et des Ougro-Finnois, qu’ils ont refoulés vers le nord.

Cela posé, il est facile de comprendre que les langues, les mythes et les traditions respectives des peuples de cette race aryenne[1] présentent au-dessous de leurs innombrables variétés des élémens communs qu’il est possible de dégager par l’analyse et la comparaison. Ainsi il n’est pas rare qu’une racine verbale primitive, désignant un objet quelconque, à la seule condition que cet objet remonte loin dans son application à la vie humaine, se retrouve sous toutes les dérivations qu’elle a subies dans les différentes langues, anciennes et modernes, parlées par les populations issues de ce tronc commun. Il en sera de même de certaines idées ou conceptions physico-religieuses particulières à tout le polythéisme indo-européen. Toutes les fois que l’on peut constater cette communauté de langage et de pensée, on a le droit d’affirmer qu’elle remonte jusqu’aux temps, d’ailleurs inconnus, où l’unité de la race était encore indivise. L’hypothèse, si aisément admise autrefois, d’un emprunt ou d’une propagation ne saurait se soutenir sérieusement quand il s’agit d’un mot ou d’une idée religieuse qui se retrouve, par exemple, sur les bords du Gange et sur ceux du Shannon. D’autre part, il est clair que les mots, les croyances, les usages, attestés par les monumens les plus anciens, les plus rapprochés du berceau commun, sont en possession d’une autorité supérieure, qui en fait les pierres de touche des mots, des croyances, des usages analogues qui ne nous sont connus que par des témoignages bien postérieurs. C’est ainsi que se fonde l’incontestable priorité du sanscrit et des Védas, ces livres sacrés du brahmanisme, tout remplis des hymnes que chantaient les premiers Aryas quand ils descendirent des plateaux supérieurs de l’Asie dans les vallées de l’Indus et du Gange : non pas, bien entendu, qu’on puisse considérer le sanscrit comme la langue même que parlaient les communs ancêtres des Indiens et des Européens, mais il en est le dérivé le plus pur, le plus immédiat,

  1. Nous préférons de beaucoup cette dénomination à celle l’indo-germaine, qui, entre autres défauts, a celui d’être fort inexacte. M. Pictet, dans ses Aryas primitifs, a très habilement démontré que ce nom d’Arya, honorable, excellent, seigneur, a été emporté du berceau commun, et par les conquérans védiques de l’Inde, et par le peuple zend de l’Iran, et par le rameau celtique, le plus ancien dans notre Occident, qui, resserré entre l’Atlantique et les migrations qui le suivaient, l’a finalement donné à l’Ir-lande et peut-être aussi à l’Ib-érie.