Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partient au marquis Lorenzo Ginori, fils aîné du précédent. Appelant la pratique des voyages au secours d’une noble ambition et des goûts qu’il avait hérités de ses ancêtres, il visita l’Allemagne, la France et l’Angleterre, pour s’initier à tous les mystères et à tous les progrès de la céramique. Il trouva un auxiliaire puissant dans un chimiste nommé Giusti, mort en 1858, et qui doit sa réputation à l’habileté avec laquelle il fit revivre les ouvrages en majolique du XIVe et du XVe siècle. Parmi les nombreux et curieux produits de la manufacture de Doccia, je signalerai seulement un vase splendide dont le sujet est le triomphe de Neptune, un autre vase représentant Galatée, un grand tableau en relief des quatre saisons, un coffre décoré avec des figures de nymphes et d’autres motifs mythologiques. La terre de Galilée, de Torricelli, de Spallanzani et de tant d’autres savans, se vante aussi, et avec raison, de ses microscopes et de ses instrumens d’optique. Elle expose cette année des thermomètres et des baromètres d’une extrême délicatesse sensitive, un anémomètre qui marque sur une feuille de papier, à chaque instant, la force, la direction et la vélocité du vent, enfin de très habiles préparations anatomiques. Envisagée dans son ensemble, l’industrie italienne présente un caractère très certain de régénération. En dirai-je autant de Rome, qui, par l’effet du hasard ou en vertu d’une épigramme anglaise, se trouve placée à l’exposition sous l’aile de la France ? L’exposition romaine attire un grand nombre de curieux par des objets à coup sûr fort remarquables, des statues de marbre blanc, des tables en mosaïque[1], des photographies d’anciens monumens, des lampes d’après l’antique, un bréviaire offert par le pape au cardinal Wiseman ; mais au milieu de tous ces trésors d’un art sacerdotal on se demande s’il y a un peuple à Rome, ou du moins si l’on s’occupe de pourvoir à son bien-être économique, tant l’industrie romaine semble avoir pris à la lettre le précepte évangélique de vivre comme le lis des champs et de ne point songer au lendemain !

La France brille par l’étendue, l’éclat et la beauté de ses produits. Je me contenterai d’indiquer les traits généraux qui distinguent à première vue son industrie si riche et si variée. Ces traits sont assurément le goût, la délicatesse, l’élégance. Un industriel anglais, à qui j’exprimais ma surprise de rencontrer à Londres tant de magasins qui cherchent à se recommander aux acheteurs par cette devise magique : articles de Paris, me répondait un jour avec une certaine morgue britannique : « Ah ! oui, de petites choses ! » Ces petites choses, si l’on veut, n’en ajoutent pas moins à la vie le parfum des arts ; elles font le bonheur des femmes, l’ornement des salons, quelqiue-

  1. La plus remarquable est celle offerte par le pape à la reine d’Angleterre, ornée sur les bords par des vues de Rome, et regardée par les connaisseurs comme un chef-d’œuvre d’habileté.