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permanent, et de céder à quelque tentation de bien faire dans l’occasion incessante qu’ils en trouvent sous leurs pas.. Ainsi tout n’est pas illusion dans cet instinct français qui confie beaucoup d’attributions et qui demande beaucoup de services à ses gouvernans, Au surplus, quelle que soit la valeur intrinsèque et morale des pouvoirs publics, comme ils sont la seule force connue à l’appui du droit, la France, de l’humeur philosophique dont elle est, doit faire tout ensemble de grandes applications de droit et de gouvernement. Par ce tour d’esprit comme par la sociabilité qui abonde dans son tempérament, c’est une race où le règlement prospère à souhait, où les disciplines sont souffertes et même invoquées. Il n’en faut pas plus pour mettre à néant la doctrine, l’hypothèse qui fait naître tout cela d’une pure invasion, d’un pur caprice officiel.

Ici donc la race peut être comptée comme une explication, et nous en avons fini avec notre sujet. Il nous reste seulement à prendre certaines précautions pour marquer la limite de ce que nous admirons dans ce que nous expliquons. Ceci est capital. Nous ne saurions trop dire combien la race est à reprendre en certains côtés de la tendance que nous avons décrite. Le plus difforme, le plus monstrueux, est le préjugé qu’elle entretient en faveur du pouvoir exécutif comme gardien exclusif de l’ordre. Elle ne sait qu’une chose en ses alarmes, qui est de lâcher tous ses droits pour armer le pouvoir exécutif contre le citoyen et aux dépens du citoyen : aberration encore plus qu’exagération, car on ne peut trop aimer l’ordre. À cet égard, la race qui porte en elle le sentiment du droit est bien inspirée et fidèle à elle-même. La bévue est d’oublier : — premièrement, que l’arbitraire est un des ennemis de l’ordre, un ennemi qu’il a fallu détruire, contre lequel ont été faites certaines révolutions ; — ensuite, que la représentation de tous les droits et de tous les intérêts est l’ordre même dans sa notion la plus haute et la plus sûre ; — enfin, que, pris matériellement et considéré dans la rue, l’ordre est gardé par la loi, par le droit commun, même en pays libre, et peut se passer de dictature, d’arbitraire.

Après cela, c’est à peine s’il faut noter dans la race latine et centraliste quelques dépravations de détail qui y sont inhérentes, la police tracassière non moins que protectrice, la formalité tournant à la minutie et à l’entrave. Peut-être même vous plaira-t-il de blâmer les assistances pécuniaires de l’état, défrayées qu’elles sont par l’impôt, ou tout au moins d’admirer médiocrement ce bienfait qui est de prendre aux uns pour donner aux autres, sans qu’il soit même bien établi que les uns soient les riches et que les autres soient les pauvres.

Trop de règlement, trop de pouvoir exécutif, voilà le vice, je dirais