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n’ayant pas encore pu se faire instituer par le pape. George s’adressa aussitôt à Mathias Gorvin et le pria de déléguer pour cette cérémonie du sacre l’archevêque-primat de Hongrie. George était alors en bonnes relations d’amitié avec le jeune Magyar ; qui aurait pu prévoir, à ce début des deux règnes, que le fils de Hunyade serait un jour le plus implacable ennemi du roi de Bohême ? Leur rôle n’est-il pas semblable ? Ne sont-ils pas exposés aux mêmes périls ? ne sont-ils pas l’un et l’autre de glorieux parvenus en présence d’une féodalité altière ? N’est-ce pas George de Podiebrad qui, dès le lendemain de la mort de Ladislas, donne la liberté à Mathias Corvin lequel, emprisonné d’abord en Autriche après l’exécution de son frère aîné, venait d’être transporté de la prison de Vienne à la forteresse de Prague ? George, qui sent bien que la Hongrie doit marcher de front avec la Bohême dans la lutte contre l’empire, délivre le fils d’Hunyade, s’unit à lui par les liens du sang, lui donne sa fille en mariage, et le renvoie en Hongrie plein d’ardeur et d’enthousiasme. Hélas ! de mauvais jours viendront, ces belles heures seront oubliées ; Mathias Corvin, poussé par le pape et l’empereur, poussé surtout par une ambition barbare, commettra contre cette noble Bohême des attentats que sa patrie sera obligée d’expier par deux siècles d’oppression et de douleurs. Encore une fois, qui aurait pu pressentir ces péripéties effroyables ? Mathias Corvin, en 1458, est l’ami et le fils du roi George ; c’est George qui lui a frayé la route vers le trône, c’est la fille de George qui va s’asseoir auprès de lui sur ce trône des Magyars, et quand le roi de Bohême veut se faire couronner, Mathias lui envoie deux évêques de Hongrie pour cette consécration solennelle.

Le cardinal-légat Carvajal avait défendu aux évêques hongrois de couronner le roi de Bohême, s’il ne jurait pas, comme tous les rois chrétiens, obéissance et fidélité au saint-siège. Quelle devait être la formule du serment ? Le roi, en jurant fidélité, ne ferait-il pas ses réserves ? ou bien fallait-il qu’il abandonnât les concessions accordées aux hussites par le concile de Bâle ? Revendiquer dans son serment ces compactats que la cour de Rome avait déchirés avec fureur, c’était obliger les évêques à se récuser pour la cérémonie du sacre, et en présence des menaces de l’empire le roi ne pouvait se passer du couronnement. Renoncer aux compactats c’était se parjurer de toutes les manières et à tous les degrés, c’était se trahir soi-même, trahir la patrie, trahir l’immense majorité de ceux qui l’avaient porté au trône. Qu’était George en face de la Bohême, s’il n’était pas le chef et le défenseur des hussites ? Que pouvait-il être en face de l’empire, s’il n’était pas roi de Bohême couronné par l’église ? Des deux côtés, même péril.

Après bien des négociations, on convint d’une formule où il n’était