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question ni des compactats du concile ni de la coupe des hussites, mais seulement de la foi en général, de l’unité de la foi, de l’obéissance à l’église romaine considérée comme centre et foyer des croyances communes du monde chrétien ; Si le roi de Bohême s’engageait en outre à combattre dans ses états les sectes et les hérésies, il n’avait pas besoin d’interpréter ces paroles pour y souscrire ; il est certain qu’il ne se mettait ni lui, ni les calixtins, au rang des hérétiques ou des sectaires. Était-ce donc se séparer de l’église que de se rapprocher du Christ ? était-ce faire un choix parmi les dogmes de l’Évangile que de réclamer la cène tout entière ? On ne peut nier toutefois qu’il n’y ait eu ici un malentendu des plus graves entre le saint-siège et le roi, et quand on voit plus tard ce serment jeté avec injure au visage du roi George, quand on voit ce vaillant homme accusé de trahison ou de fausseté, de parjure ou d’hypocrisie, comment ne pas regretter que, soit modération, soit impatience d’en finir, il ait reculé devant l’expression complète de sa foi et de ses projets ? Ce serment, qui nous a été transmis en latin, fut prononcé en langue tchèque, le 6 mai 1458, par le roi et la reine, en présence des évêques hongrois et des principaux magistrats du royaume. Le lendemain 7 mai eut lieu le couronnement du roi, et il fut suivi dès le 8 du couronnement de la reine. On ne remarquait à ces deux fêtes aucun prince, aucun prélat de l’empire, comme dans les cérémonies féodales ; mais toute la noblesse de Bohême environnait le souverain, et une foule immense se livrait à la joie. George fut conduit en grande pompe du château à l’église de Saint-Vite. Trois des premiers seigneurs portaient devant lui la couronne, le sceptre, la pomme d’or, et les deux évêques qui devaient présider la cérémonie Chevauchaient à ses côtés. Partout sur son passage retentissaient les acclamations populaires ; elles retentirent avec plus de force que jamais lorsque le roi, selon l’usage national, jura de rester fidèle aux lois, aux coutumes, aux franchises de la Bohême, et promit à haute voix de faire respecter les concessions du concile de Bâle. C’était la fin et le commentaire du serment prêté la veille entre les mains des évêques.

Quelques semaines après, le pape, ayant à envoyer un bref au roi de Bohême, l’appelait mon cher fils le roi George, et l’empereur, attaqué par son propre frère au milieu de ses états, se hâtait d’appeler au secours l’armée des Bohémiens. Courir aux armes, délivrer l’empereur, faire un traité avec lui, ce fut le premier acte de George en dehors de ses frontières. L’empereur, il est vrai, ne le reconnaissait pas encore officiellement comme roi de Bohême, mais il renonçait pour lui-même à la couronne de Ladislas, et déclarait que les autres princes autrichiens, Albert et Sigismond, n’y avaient aucun droit. La cause était à demi gagnée.