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Au milieu des fêtes des fiançailles, tandis que les souverains de la Bohême et de la Saxe échangeaient ainsi leurs enfans, d’autres affaires furent réglées, d’autres alliances conclues entre le roi George et plusieurs princes d’Allemagne. Devenu ainsi le pacificateur de l’empire, le roi George n’eût pas été digne de sa fortune, s’il n’eût point senti s’accroître son ambition. Il y avait d’ailleurs bien des regards dirigés vers lui du sein de l’anarchie germanique ; certains personnages très influens le croyaient appelé à faire en Allemagne ce qu’il avait fait en Bohême ; on lui disait de ne pas s’arrêter en chemin, on le conjurait de se porter médiateur, non pas seulement aujourd’hui, mais toujours, non pas accidentellement, mais d’une manière perpétuelle et constante, entre ces princes dont les rivalités détruisaient l’empire. Qui donc pouvait mieux que le roi George rallier les forces de la Germanie, accomplir l’unité, organiser le chaos ? Le saint-empire romain tombait en ruine ; qui donc, si ce n’est lui, était assez fort pour le relever ?

Ces hardis appels étaient adressés au roi de Bohême par les premiers diplomates de l’Europe. On sait que la diplomatie n’a pas toujours formé un corps politique, une assemblée internationale où chaque pays a ses représentans ; c’est seulement au XVIe siècle que cette puissance toute moderne commence à naître, et que de transformations en transformations elle arrive à cette organisation régulière qu’on lui voit de nos jours. À l’époque du roi George, la haute diplomatie européenne était aux mains d’un petit nombre de savans, jurisconsultes fameux, maîtres en droit public, qui n’appartenaient pas à tel ou tel pays, mais qui, occupés des affaires générales de l’Europe, se mettaient tour à tour au service des princes qui pouvaient exécuter leurs programmes. Quelque chose de cela s’est conservé dans l’Allemagne de nos jours ; n’a-t-on pas vu, assez récemment encore, des jurisconsultes de Goettingue, de Leipzig, de Heidelberg, consultés par des gouvernemens étrangers sur des questions de droit européen ? Ces légistes, au XVe siècle, n’eussent pas été seulement appelés à donner leur avis dans une circonstance particulière ; ils auraient été, comme leurs ancêtres, les chefs de cette libre diplomatie qui travaillait à consolider l’équilibre de l’Europe. Il y a trois de ces diplomates, un Français et deux Allemands, qui parurent souvent à la cour du roi de Bohême. Le Français, d’origine italienne probablement, était un certain Antoine de Marini, ne à Grenoble ; très savant et très infatué de sa science, accoutumé à la produire sous les formes pédantesque de son temps, il avait, au milieu de ses prétentions scolastiques, de véritables éclairs de génie. C’était un promoteur d’idées sur les finances, sur le crédit, sur l’étalon des monnaies, sur le développement du commerce, sur les rapports de l’église et de l’état, sur l’organisation de la communauté