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parti qui invoquait encore les décisions du concile de Bâle. Il y avait surtout deux pays où l’esprit libéral, l’esprit réformateur et noblement chrétien du concile était soutenu par un grand nombre de docteurs : c’était l’Allemagne et la France. En Allemagne, où le morcellement des territoires opposait maintes entraves à la vie et à l’expression de la pensée publique, il n’avait pas été difficile aux légats du saint-siège d’affaiblir peu à peu les partisans du concile, de gagner celui-ci, de décourager celui-là ; le dernier des réformateurs, parmi les prélats allemands, fut un archevêque de Mayence nommé Diether, qui, effrayé de se trouver presque seul, se soumit, rétracta toutes ses paroles, s’humilia comme un coupable et se frappa la poitrine au moment même où il venait d’accuser le pape et ses légats devant une espèce d’assemblée provinciale. Il ne resta plus sur la brèche que l’intrépide Grégoire de Heimbourg. Abandonné de l’archevêque Diether, qui l’avait appelé à Mayence pour la défense de la cause commune, l’illustre docteur ne courba point la tête. Il était de ceux qui savent dire : Etiamsi omnes, ego non. En France, au contraire, les réformateurs formaient une phalange. Grâce à l’unité retrouvée du territoire et de l’église, grâce surtout à l’université de Paris, les partisans du concile de Bâle n’avaient pu être dispersés comme en Allemagne et frappés l’un après l’autre. Tout le clergé du royaume, prêtres et docteurs, était attaché à la pragmatique sanction, c’est-à-dire à la déclaration des droits de l’église gallicane formulée par le concile national de Bourges et promulguée par Charles VII. Cette pragmatique sanction était pour la France à certains égards ce qu’étaient les compactats pour la Bohême, avec cette différence toutefois que la charte gallicane avait été décrétée chez nous malgré tous les efforts du pape, tandis que la charte bohémienne avait été remise aux hussites par les représentans de l’église, sans aucune opposition de la part de Rome et en présence de l’empereur Sigismond. La remise solennelle des compactats avait eu lieu en 1436 ; la promulgation de la pragmatique sanction est de 1438. Ces deux chartes appartiennent au même mouvement d’idées ; elles représentent l’une et l’autre la victoire des églises nationales sur l’église de Rome, la victoire de la grande république fédérative des nations chrétiennes sur l’absolutisme latin. Aussi tous les efforts de Pie II tendaient-ils à l’abolition de la charte de Bourges comme à l’abolition de la charte d’Iglau. Charles VII, Dieu merci, refusa toute concession au pape, soit qu’il se souvînt de l’appui que lui avait prêté le concile de Bâle dans sa lutte contre les Anglais, soit qu’il appréciât l’importance des droits proclamés par les théologiens de Bourges ; mais, Charles VII étant mort (22 juillet 1461) au moment même où les derniers partisans du concile de Bâle étaient si vivement poursuivis en Allemagne, l’habile Pie II s’empressa de circonvenir Louis XI. On sait