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la paix. Ainsi faisait Moïse avec les Juifs. À présent que la paix est rétablie, il est temps que les Tchèques abandonnent la double communion et ne se séparent plus de l’église de Rome. » Kostka répondit au pape que les Tchèques étaient attachés à leur foi, que cette foi était conforme aux décisions du concile de Bâle, et que certainement ils n’y renonceraient pas, à moins qu’il ne leur fût démontré que leur foi portait à faux et que le concile s’était trompé. À ce mot de concile, le cardinal Nicolas de Cuse et quelques-uns des évêques présens intervinrent pour expliquer dans quel sens les théologiens de Bâle avaient entendu le texte des compactats. La discussion, déjà si subtile, si scolastique, du moins quant à la forme, alla bientôt se perdre en des chicanes singulières. Le pape y coupa court par une véhémente apostrophe. « Quel est donc l’homme, s’écria-t-il, de qui vous tenez cette communion sous les deux espèces ? Est-ce quelque grand esprit, quelque personnage illustre ? Il s’appelait Jacomell ; c’était un maître d’école qui enseignait la grammaire aux enfans. Et voilà votre guide ! Ah ! revenez, revenez à l’unité de l’église, et votre roi, votre pays, vous tous enfin, vous en recueillerez tant de gloire et de bénédictions que jamais peuple sur la terre n’aura fait une moisson pareille à la vôtre ! »

À l’accent passionné des paroles du saint-père comme à la résistance opiniâtre du député hussite, on voit qu’il s’agit ici de tout autre chose que d’une simple question de forme. C’est la première fois dans le monde chrétien qu’un peuple se sépare de l’église romaine au nom de l’Évangile. La modération même de ses pensées rend son exemple plus redoutable. Il est chrétien, ce peuple ; il est chrétien et catholique dans le sens primitif de ce mot ; il a l’instinct d’une église universelle dont la variété même attesterait la vie, et, tout en maintenant le culte qu’il préfère, il déclare ne pas se séparer de l’église de Rome. » Revenez à l’unité de l’église, dit le pape Pie II. — Nous ne l’avons pas quittée, » répond l’ambassadeur du roi George. Dans une question ainsi posée, quelle solution possible ?

D’une manière ou d’une autre il fallait en finir. La première audience solennelle accordée aux députés du roi George eut lieu dans la journée du 20 mars. Pie II siégeait sur son trône dans la grande salle du consistoire ; en face de lui étaient assis vingt-quatre cardinaux ; derrière eux les ambassadeurs se tenaient debout ; puis venait le clergé, archevêques, évêques, prélats, docteurs, occupant toutes les places et remplissant la salle entière. Le docteur Wolfgang Forchtenauer, représentant de l’empereur Frédéric III, se leva le premier et demanda au nom de son maître la bienveillance du pape pour les députés du roi de Bohême. Après lui, la parole fut donnée au chancelier Procope, qui offrit au saint-père les excuses du roi pour le long retard de l’ambassade, et prêta le serment d’obédience.