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Les représentants de la nation vinrent en grand nombre, non-seulement de la Bohême, mais de tous les pays de la couronne ; la Moravie, la Silésie, la haute et basse Lusace y avaient leurs députés. Des évêques catholiques, les évêques de Breslau, d’Olmütz, d’autres encore, accompagnés des principaux dignitaires de l’église, prieurs d’abbayes et doyens de chapitres, s’étaient rendus à l’appel, car le roi George, dans sa loyale impartialité, avait convoqué même ses ennemis. La première séance publique s’ouvrit le 12 août à onze heures du matin. Le roi présidait en personne ; à ses côtés étaient assis la reine Jeanne et ses fils. Il voulait que ce fût comme une grande assemblée de famille. La séance ouverte, le roi prit la parole ; il rappela brièvement tout ce qu’il avait fait pour l’honneur, la paix et la prospérité du pays ; il ajouta que pour couronner son œuvre, et sur le conseil de ses plus fidèles amis, il avait envoyé une ambassade au pape, espérant que cette démarche dissiperait les préventions de Rome, espérant qu’elle consoliderait la restauration politique et religieuse d’un état longtemps dévasté par la tempête, mais ardemment chrétien. L’ambassade était revenue, et avec quelle réponse ! les représentans de la Bohême allaient l’entendre. Alors le sire de Kostka fit une sorte d’introduction en quelques mots, puis le chancelier Procope de Rabstein et maître Koranda lurent le journal qu’ils avaient rédigé des travaux de la mission. Pas un détail n’y manquait, la lecture dura plusieurs heures. Reprenant ensuite son discours, le roi exprima noblement la douleur qu’il ressentait à titre de roi et de chrétien. La première pensée qui s’offrait à lui, c’était le souvenir de la longue anarchie qui avait désolé la Bohême ; cette anarchie heureusement vaincue grâce à la loi de concorde votée à Bâle par les plus hauts représentans de l’église, le pape voulait-il donc la déchaîner de nouveau en détruisant l’œuvre de ses supérieurs ? On lui reprochait, à lui George de Podiebrad, d’avoir manqué au serment qu’il avait prêté en recevant la couronne ; quel était donc ce serment ? Il en lut le texte à haute voix et s’écria : « Vous l’entendez, nous avons juré d’extirper de ce royaume les hérésies et les sectes. Or, vous le savez, nous n’aimons ni les hérétiques ni les sectaires : nous les avons frappés et dispersés ; mais la communion sous les deux espèces est-elle une hérésie ? Est-ce une hérésie, la cène instituée par le Sauveur ? Est-ce une hérésie, la foi consacrée par un concile œcuménique ? Élevé dans cette foi des notre enfance, fidèle à nos religieuses pratiques comme simple membre de la noblesse, puis comme lieutenant du royaume, nous n’y avons pas renoncé en montant sur le trône ; pouvait-on croire que sous ce nom de sectes et d’hérésies le roi George comprenait la religion de sa patrie et la sienne ? Si quelqu’un au monde a jamais pensé que, pour obtenir la consécration de mon pouvoir, j’étais capable