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et de son frère le roi de Chypre. « Quand on nous présenta au roi Louis XI, écrit Jaroslaw, Albert Kostka lui adressa les complimens du roi George et déploya ses lettres de créance ; Antoine de Marini lui fit ensuite les mêmes complimens de la part des rois de Pologne et de Hongrie, et produisit aussi ses titres d’ambassade. Le roi prit les lettres, en fit lui-même la lecture à ses conseillers, et invita les deux ambassadeurs à prendre place sur les sièges préparés pour eux. Ceux-ci refusant par respect, un des conseillers du roi leur dit que c’était l’usage de France, et que tout ambassadeur de prince souverain avait droit de s’asseoir pour lire son message ; en même temps il les pria, au nom du roi, d’être aussi brefs que possible. Albert Kostka prit la parole le premier et exposa la demande de son maître. » Le roi de Bohême suppliait le roi de France, à titre de roi très chrétien et au nom de son dévouement à l’intérêt général, de convoquer au jour et au lieu par lui fixés un parlement de rois et de princes, pour qu’ils y vinssent en personne ou qu’ils s’y fissent représenter. L’auguste assemblée travaillerait à la gloire de Dieu, au bien de l’église universelle et à l’indépendance des états. » L’orateur développa ce thème dans un discours plein de belles pensées, de paroles heureuses, au dire de Jaroslaw, et qui ne dura pas moins d’une heure. Antoine de Marini confirma la harangue de son collègue par un tableau des pays qu’il venait de parcourir. Il rendit compte de ses missions en Pologne, en Bohême, en Hongrie, à Venise, à Rome ; il parla des sympathies des Polonais, des Hongrois, mais surtout des Bohémiens et des Vénitiens pour la France ; il raconta ses querelles avec certains évêques magyars, il fit connaître l’état moral de ces contrées et les lettres injurieuses que le pape y écrivait contre Louis XI ; il conclut enfin à la nécessité d’un parlement de rois pour mettre fin à une théocratie plus turbulente que forte, et sauver la dignité de l’église en même temps que la liberté des peuples. Le roi avait écouté attentivement les deux orateurs : il répondit que, l’affaire étant de grande conséquence et méritant réflexion, il leur donnait rendez-vous dans Abbeville, où il irait bientôt les retrouver.

À Abbeville, avant le retour du roi, les ambassadeurs eurent plus d’une conférence avec ses conseillers, et ne tardèrent pas à voir leurs illusions s’évanouir. Bien que Louis XI fût au plus fort de sa guerre avec le saint-siège, bien qu’il n’hésitât point à confisquer le temporel de trois cardinaux, à saisir les impôts romains, à frapper le pape et ses amis à grands coups d’ordonnances, il avait près de lui des conseillers qui prétendaient ménager Home en haine des parlemens. Il les laissait faire, sauf à les désavouer. Sa politique était d’employer tour à tour le pape contre les parlemens et les