Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 40.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuvent l’avoir expérimentée sur une échelle assez large pour se procurer des résultats dignes de quelque créance se sont bien gardés de communiquer au public le produit des études qu’ils ont fait faire et qu’ils poursuivent encore. Ils réservent pour eux ce qu’ils savent, et s’il a transpiré quelque chose de leurs travaux, ce n’est pas beaucoup plus qu’il n’arrive ordinairement lorsqu’un secret est nécessairement connu de plusieurs personnes. Or les diverses commissions qui ont fonctionné, tant en France qu’en Angleterre, étaient composées d’un trop grand nombre de savans ou d’officiers pour que le public, qui s’intéressait à ce problème, n’ait pas pu pénétrer quelque chose du mystère qui l’entourait. Toutefois ce quelque chose est encore bien peu.

C’est la question des plaques qui est restée la plus obscure. La voix publique attribue la supériorité de résistance aux plaques de fabrique française. On assure que dans des expériences comparatives faites au polygone de Vincennes l’excellence des produits français a été démontrée de la manière la plus concluante. Des plaques d’origine anglaise et semblables en tout point à celles du Warrior ou du Black Prince, si même elles ne provenaient pas des mêmes usines, auraient été éprouvées concurremment avec des plaques restant de la fourniture de la Gloire. Les épreuves auraient été aussi variées qu’un aurait pu l’imaginer, et les résultats auraient été toujours les mêmes, c’est-à-dire toujours à l’avantage des produits fournis à notre marine par les ateliers de la maison Pétin et Gaudet, les adjudicataires de la cuirasse de la Gloire.

Cette opinion, qui est très accréditée en France chez les hommes spéciaux, paraît être aussi généralement répandue en Angleterre. Nous pouvons en fournir une preuve assez convaincante. Le 8 septembre 1861, l’un des métallurgistes les plus distingués de l’Angleterre, M. Fairbairn, auteur lui-même d’un système particulier de plaques, membre de la commission nommée en Angleterre pour étudier la question et président pour cette année de la British Association, disait en propres termes à la séance de cette société : « From what I could learn of te e quality of iron uised in other countries, ours is ne quite so good ; d’après ce que je puis savoir de la qualité du fer employé dans d’autres pays (à la fabrication des plaques), le nôtre n’est pas aussi bon. » L’opinion de M. Fairbairn serait à elle seule d’un très grand poids ; mais ce qui ajoute considérablement encore à l’autorité de ces paroles, c’est qu’à la séance où il s’exprimait ainsi assistaient sir William Armstrong, M. Scott Russell, le capitaine Blakely, M. Reed, sir J. Dalrympe Hay, c’est-à-dire les personnes qui portaient le plus grand intérêt à la question, et aucune n’a contesté l’affirmation du président.