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produise d’elle-même et sans le commentaire de la science tout l’effet qu’on espère ; point d’additions, de constructions parasites qui la défigurent et lui ôtent son premier aspect d’antiquité ; puis une valeur véritable comme objet d’art, la beauté des lignes ; enfin la présence d’un souvenir historique de quelque intérêt. Or ces conditions sont rarement réunies. Il faut trop souvent chercher le débris précieux sous les scories qui le couvrent et l’altèrent, et tantôt renoncer à y apercevoir un mérite de conception, de proportion, d’exécution, tantôt se résigner à n’y trouver d’historique que la vétusté. Aussi, pour désigner un objet qui eût à peu près complètement satisfait à l’attente trop exigeante que l’on apporte à Rome, ce qui viendrait à l’esprit d’abord serait, plutôt qu’un monument proprement dit, un objet de musée, une œuvre de la statuaire plutôt que de l’architecture, la louve de Romulus, le buste de Brutus, la statue de Pompée.

On ne doute pas que la louve d’airain de l’un des musées du Capitule soit antique. Elle allaite les deux jumeaux que trouva Faustulus. Ainsi l’ont décrite à l’envi Cicéron et Virgile. Peut-être est-elle celle que les deux Ogulnius, édiles curules, avaient fait placer sous le figuier Ruminai, peut-être celle que Cicéron vit, sous son consulat, frappée de la foudre auprès du Capitole. M. Ampère la prend pour la première, lord Byron la prenait pour la seconde. Songez donc qu’elle pourrait dater du Ve siècle de Rome ! Elle serait contemporaine du dictateur Papirius Cursor.

Le buste de Brutus doit être ressemblant. Du moins est-il une copie excellente dans sa rudesse préméditée de la tête traditionnelle que de siècle en siècle la fidèle mémoire du patriotisme tenait pour la tête du libérateur ; mais ce bronze n’est pas de l’art de la deux cent quarante cinquième année de la fondation de Rome. Et d’où vient-il d’ailleurs ? Il n’a point d’âge ; il ne me ramène à aucun monument ; il est à l’hôtel de ville de Rome comme il pourrait être au Louvre. Tel qu’il est cependant ; il reste au moins le Brutus symbolique qu’honoraient les Romains. Peut-être est-ce une copie faite après la mort de César, alors que l’action du second Brutus ravivait dans les âmes la gloire du premier.

Entrez au palais Spada. Il est un des moindres de Rome, et l’architecture de Borromini vous paraîtra fatigante et puérile. Une portière déguenillée vous conduit dans un intérieur négligé. Elle vous ouvre une grande salle où sont peintes assez pauvrement, des colonnes en grisaille et des fenêtres feintes donnant sur des jardins de théâtre ; mais elle vous montre à droite une statue colossale d’un travail rude et qui représente un Romain à la mine guerrière. L’attitude est simple et mâle. Le front exprime une fermeté calme, et