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du conclave. Tous les cardinaux, avant de procéder à l’élection, s’étaient mis d’accord sur certains articles que le pontife élu devait transformer en décrets ; le point le plus important était la convocation immédiate d’un concile œcuménique. Dans quelle vue cette convocation d’un nouveau concile de la part de cardinaux si hostiles presque tous aux doctrines de Constance et de Bâle ? Il serait difficile de le dire avec précision ; mais enfin c’était chose décidée par un engagement solennel. À peine élu, et, résultat extraordinaire, presque à l’unanimité des suffrages, il déclara, qu’il ne voulait pas de concile. Il était beau et très vain de sa beauté. Le soin de sa personne paraissait une de ses préoccupations les plus vives. Il aimait à se farder le visage, à se couvrir de pierres précieuses ; on sait qu’il dépensa des sommes énormes pour faire de sa tiare le plus splendide des écrins ; diamans, perles, rubis, émeraudes, gemmes merveilleuses, éblouissantes, avaient été achetés pour lui dans tous les pays de la terre, et quand il officiait dans les grandes cérémonies, on voyait qu’il était heureux de montrer à la foule émerveillée le plus beau des pontifes. Au moment de son exaltation, il avait voulu prendre le nom de Formose ; ce ne fut pas sans peine que les graves cardinaux l’empêchèrent d’afficher ainsi sa vanité, et que le fastueux Formose consentit à se nommer Paul II. L’évêque de Bénévent, d’après un vieil usage qui rappelait une triple souveraineté attachée jadis à ce siège, portait une triple couronne sur sa mitre ; Paul II en fut jaloux et confisqua la mitre pour lui. Il voulait d’ailleurs que les cardinaux fussent richement costumés et scrupuleusement fidèles à l’étiquette. Les princes de l’église à cette époque ayant coutume d’aller par les rues de la ville à cheval ou sur des mules, il leur donna de magnifiques housses de pourpre pour l’ornement de leurs montures. Ce fut lui enfin, et ce souvenir protégea longtemps sa mémoire auprès de la populace romaine, ce fut lui qui déploya dans la grande rue du Corso les somptueuses folies du carnaval.

Il est possible que le roi de Bohême eût été assez promptement informé.des changemens survenus à Rome, car il se regarda comme en sûreté du côté du Vatican ; à la déclaration de guerre de Pie II, il crut que le hasard du scrutin faisait succéder une trêve. Il oublia même, faute assez grave, d’envoyer une ambassade à Rome pour féliciter le nouveau pape suivant l’usage du temps. Son illusion ne fut pas de longue durée. Paul II, en satisfaisant ses vanités, n’entendait point passer pour un monarque imbécile. Le goût des futilités brillantes chez ce bizarre esprit s’alliait à la froide cruauté d’un patricien de Venise. La première fois qu’on lui parla des affaires de Bohême, il remit la cause aux mains des vieux cardinaux qui avaient été les collaborateurs de Pie II, et ces cardinaux lui ayant dit qu’il y avait là une hérésie opiniâtre, qu’il fallait l’extirper à tout prix