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quelques bandits qui faisaient des incursions sur le territoire napolitain et rentraient vite, à la première apparence de danger, dans les états pontificaux, où ils trouvaient facilement à se refaire de leurs fatigues[1].


II

Le moment ne tardera pas à venir où le brigandage cessera de lui-même. Ce moment ne peut être éloigné, dis-je, car c’est celui où commenceront les grands travaux publics que réclame impérieusement l’état physique des provinces napolitaines, qui est le même encore que du temps des Bourbons. Déjà une ligne importante de chemins de fer a été concédée à une société financière qui offre des garanties. Ce grand travail occupera bien des bras, et par conséquent ôtera au brigandage toute chance de se recruter parmi les misérables. Dans les provinces napolitaines, le prix moyen de la journée d’un homme employé aux travaux agricoles est de 37 centimes. Quoique l’existence soit facile dans ces pays aimés du soleil, il n’en est pas moins à peu près impossible de vivre avec une si modeste somme. Il n’est donc pas surprenant que ceux dont elle est l’unique ressource se soient parfois laissé tenter par la promesse d’une haute paie de 3 carlins par jour, et aient pris part à des actes de brigandage. On a calculé approximativement que la construction des voies ferrées emploierait trente ou trente-cinq mille personnes. C’est plus qu’il n’en faut pour pacifier radicalement l’Italie du sud.

Nous nous figurons mal en France, dans notre pays, où le plus humble des hameaux a ses voies de communication avec les villages voisins, l’inconcevable incurie du gouvernement bourbonnien en matière de ponts et chaussées. Je ne puis parler en connaissance de cause que de ce que j’ai vu. Une route va de Naples à Reggio ; elle est en rapport avec les villes éloignées par des sentiers tracés au hasard à travers champs, où deux mulets ne passeraient pas de front, et qui rendent toute exploitation sérieuse absolument impossible. Les voyageurs qui ont séjourné à Naples se rappelleront certainement avoir vu des ânes outrageusement chargés d’un immense monceau de paille, de foin ou de légumes ; ils ont pu s’étonner que de pareils fardeaux ne soient pas traînés sur des charrettes. C’est que les paysans qui les apportent n’ont point de charrettes, parce qu’il n’y a point de chemin assez large autour de leurs villages, qui cependant sont peu éloignés de Naples. Si l’on est obligé de transporter les céréales sur des bêtes de somme, il est facile de comprendre que les riches carrières de marbre des Calabres soient inexploitées, et

  1. Chiavone vient d’être fusillé, dit-on, par ordre d’un de ses supérieurs, l’Espagnol Tristany.