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tout entière, c’était peu raisonnable ; mais l’égrener pièce à pièce, la dissoudre, la fondre, ne pas lui laisser un corps et n’en conserver que des membres épars, ne serait-ce pas un excès opposé ? Sans être un tout indivisible, cette galerie, surtout dans quelques-unes de ses parties, a son genre d’individualité, unité moins fastueuse que celle qu’on rêvait pour elle, unité de caractère, et de provenance seulement, mais qu’il serait fâcheux de ne pas respecter à un certain degré. Comprend-on bien notre pensée ? Nous ne cherchons au fond qu’à défendre et même à réhabiliter cette collection Campana que nous aimons, que nous tenons encore pour opulente et belle, tout ébréchée qu’elle soit, mais nous prétendons la servir par d’autres argumens que ses avocats d’office : nous voulons commencer par dire les vérités, toutes les vérités dont ils ont fait mystère ou qu’ils affectent de dédaigner. Quand nous aurons tout dit, tout confessé, nous serons moins suspect, et peut-être nous croira-t-on si en définitive nous affirmons que, plus heureux que sages, il nous reste encore un trésor vraiment digne d’envie.


I

Voyons donc ce qu’on dit hors de France de notre acquisition, ce qu’on en dit à Londres, à Berlin, surtout à Saint-Pétersbourg.

Tout se borne à deux points :

1° La collection n’est pas complète : les pièces capitales en ont été distraites. Nous n’avons pas le premier choix, la véritable fleur de certaines séries ;

2° Fût-elle en son entier, le prix que nous l’avons payée dépasserait encore et de beaucoup sa vraie valeur.

Voilà deux assertions, dont une seule, la première, peut être utilement discutée.

En effet, nous connaissons, nous avons vu ces pièces qui nous manquent, et ces objets prélevés par un marché antérieur au nôtre ; nous en savons le nombre, la qualité, l’importance, nous pouvons donc en dire franchement notre avis.

Quant au prix, c’est une autre question, d’un genre plus délicat. Rien d’aussi malaisé que d’établir exactement la valeur des anciens objets d’art. Tout dépend du moment, de l’occasion, du plus ou moins de concurrence, des variations de la mode et du goût. Il en peut résulter de telles différences, que sur plusieurs milliers d’objets se tromper d’un ou deux millions n’aurait rien de très extraordinaire. Il y a donc tout au moins grande témérité à prétendre si bien savoir que la valeur marchande est ici dépassée, et qu’à vendre en détail ce qu’on nous a livré jamais nous ne retrouverions nos