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possède le Collegio romano, qu’a illustrée le P. Marchi et qu’il se chargeait d’expliquer avec tant d’obligeance et de feu à quiconque lui semblait prendre goût aux richesses de son musée Kircher. Élever à ce rang-là une de nos cistes, même la plus belle, c’est peut-être aller un peu loin ; mais elle n’en est pas moins un monument de premier ordre, d’autant plus précieux qu’il n’est pas isolé : cette ciste et ses compagnes forment un ensemble qui décore et relève singulièrement notre part dans la série des bronzes de la galerie Campana.

Vous le voyez, nous ne négligeons rien pour adoucir nos regrets et faire valoir ce qui nous reste ; mais qu’y faire ? Nous ne pouvons ressusciter les morts ! la lacune est réelle. Ceux qui l’ont vue dans son entier, cette noble série, comment ne gémiraient-ils pas de la retrouver mutilée, presque décapitée, et tout au moins privée de sa suprême distinction ? Eh bien ! ce que nous disons là des bronzes est, à tout prendre, peu de chose auprès de cette autre lacune qu’il nous faut signaler dans les vases. C’est ici que commencent nos plus grandes douleurs.

Expliquons-nous pourtant. S’il n’est question que d’archéologie, les consolations surabondent. Nous en avons pour garant le docte céramographe qui s’est engagé, dit-on, à dresser le catalogue général de cette immense collection de vases, et qui, par provision, pour satisfaire aux impatiens, l’a déjà décrite et jugée dans un travail sommaire plein de science et d’intérêt. M. J. de Witte n’a pas l’enthousiasme bruyant et absolu des rédacteurs de notices officielles ; il sait trop bien tout ce qu’il y a d’endommagé, de frelaté, d’insignifiant, d’hétérodoxe, d’indigne de voir le jour dans ces quatre mille cinq cents vases qui nous sont dévolus, déduction faite des cinq cent quarante-deux qu’a prélevés la Russie ; mais quand il dit, quand il affirme, d’un accent convaincu, que dans cette cohue il y a pour la science d’inestimables trésors, et par exemple qu’aucun musée ne possède un nombre aussi considérable de vases à inscriptions corinthiennes, qu’on ne saurait trouver ailleurs autant de pièces de style asiatique, soit des temps les plus reculés, du type primitif, soit d’époques plus récentes et de travail plus compliqué, que nulle part on ne peut étudier d’après d’aussi nombreux modèles et sur des classemens aussi certains, l’histoire des diverses fabriqués de la poterie italo-grecque et que jamais, entre autres particularités, on n’avait réuni autant de coupes, autant de petites amphores, à anses plates fabriquées par ce Nicosthène, artiste ou maître potier qui s’est donné, par exception, la peine de signer ses œuvres, ce qui leur assure l’honneur d’être payées au poids de l’or par la postérité ; quand ces faits sont dits et attestés d’un ton calme, réfléchi, sans