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parfaitement la législation new-yorkaise. Sous l’unique préoccupation de prévenir les abus qu’on pourrait faire du papier, on s’est étudié à créer un papier si bien garanti qu’il présentât la solidité et les avantages d’une circulation purement métallique. On a cru que la société était suffisamment sauvegardée quand l’homme soldé en billets pouvait dormir aussi tranquille que s’il avait reçu en paiement des écus. L’intention était honnête et louable ; mais cette intervention du pouvoir souverain contrariait le principe de liberté. Qu’en est-il résulté dans la pratique ?

L’effet soudain et inévitable d’un pareil système devait être de pousser à la multiplication des banques bien au-delà peut-être des ressources et des besoins. Dans un pays où le gouvernement ne répondrait de rien, les difficultés que les spéculateurs rencontreraient pour faire entrer leur papier dans la circulation, pour monétiser leur signature, ne pourraient être vaincues que par des capitalistes puissans et considérés : cela seul suffirait pour limiter le nombre des établissemens qui reposeraient sur l’émission d’un papier fiduciaire. C’est tout autre chose à New-York. Quand on reçoit en paiement un billet fabriqué par l’état et portant cette légende : garanti par un gage de fonds publics on accepte ce papier comme monnaie réelle, sans rechercher si l’établissement qui l’a émis est solvable. C’est ainsi que les comptoirs décorés du nom de banques se sont multipliés déraisonnablement en Amérique. Depuis que le fonds social de la Banque de France a été porté à 200 millions, ce capital, destiné à desservir une nation de 38 millions d’âmes, correspond à 5 francs 26 centimes par tête. L’état de Massachusetts compte actuellement 1,232,000 habitans. En 1861, on lui attribuait cent quatre-vingts banques, constituées au capital de 335,600,000 fr., ce qui donne par tête d’habitant 272 fr., cinquante-deux fois plus que chez nous.

Le nombre officiel des banques en Amérique est mobile comme les flots de l’océan commercial : il augmente quand des individus déposent les nantissemens requis par la loi pour obtenir des billets de circulation ; il s’affaiblit quand d’autres individus, annonçant l’intention de liquider, rapportent les billets pour retirer les titres déposés. Le fait général est l’augmentation : c’est même là un phénomène sur lequel j’appelle l’attention, parce qu’il a une véritable efficacité dans la crise actuelle. Parmi les populations essentiellement commerçantes du nord, le placement en banque est instinctif, parce qu’il est considéré comme l’emploi le plus naturel et le plus lucratif de l’argent. Les titres des dettes publiques ne sont guère que des sécurités bonnes à être déposées, et pour ainsi dire des germes de banque. Si un certain nombre de personnes ayant des sommes disponibles ne trouvent pas à les placer avantageusement