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subir pour répondre aux circonstances nouvelles que le gouvernement consulte l’opinion publique ? En d’autres termes, est-ce sur le système entier de notre droit maritime qu’il s’agit de prononcer ? Non. De tout cet appareil législatif, il ne reste plus que quelques débris à peine suffisans pour qu’on puisse encore juger de ce qu’il était dans son ensemble. La démolition s’est faite rapidement.

À la suite du traité de commerce avec l’Angleterre, soit par des décrets, soit par des lois, notre législation maritime a été radicalement changée. Pour mettre nos industriels et notre commerce en état de soutenir la concurrence étrangère, nous avons dû supprimer les surtaxes d’entrepôt ; nous avons même abaissé à 20 et 30 francs les droits différentiels pour le transport direct par navire étranger, suivant que la marchandise est originaire de pays situés en-deçà ou au-delà des caps Horn et de Bonne-Espérance[1].

Une nouvelle loi sur les grains est intervenue, qui substitue au régime compliqué de l’échelle mobile la liberté du commerce. Dans l’ancienne législation, nos intérêts maritimes avaient leur part de protection ; elle était de 1 franc 25 centimes, que payaient les bâtimens étrangers par chaque hectolitre de grains, et de 1 fr. 66 cent. par chaque quintal de farine. Dans la nouvelle, cette protection est réduite à 50 centimes. De plus, la surtaxe d’entrepôt est supprimée ; elle n’est maintenue que pour les riz, auxquels on a conservé un traitement de faveur suivant leur origine et lorsqu’ils viennent par bâtimens français.

Ces remaniemens de notre législation devaient amener le renversement du pacte colonial. En effet, comment le défendre dans ses monstrueuses exceptions au droit commun, quand par de tels actes on reconnaissait que notre marine n’avait plus besoin de combinaisons artificielles pour maintenir son rang sur les mers ? Le pacte colonial fut donc condamné. On accorda à nos possessions d’outre-mer la faculté d’importer par tous pavillons les marchandises étrangères importées en France et aux mêmes droits, et d’exporter les produits coloniaux à l’étranger sous tous pavillons[2], de se servir de la navigation étrangère concurremment avec la navigation française pour leurs échanges avec la métropole, ou de colonie à colonie située en dehors des limites du cabotage. Les importations par navires étrangers aux colonies sont bien encore frappées de droits différentiels de 10, 20 et 30 francs selon la distance ; mais ce n’est plus qu’un vestige de l’ancienne protection.

L’œuvre de démolition va vite, et les pierres du monument sous

  1. Loi du 5 mai 1860.
  2. Loi du 9 juillet 1861.