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cérémonies de la canonisation des saints japonais, huit mille cinq cents prêtres italiens ont signé un manifeste qui demande l’abolition du pouvoir temporel !

Ce double courant, qui entraîne et divise le clergé des provinces méridionales, l’a empêché de nuire efficacement au gouvernement du roi Victor-Emmanuel. ; s’il s’était réuni dans la même pensée d’opposition, s’il avait poursuivi un but identique, il eût facilement pu, à l’aide des moyens dont il dispose, susciter au ministère des obstacles très sérieux, surtout en ce qui touche à la levée de l’impôt et à la conscription ; mais les deux opinions extrêmes généralement professées par les prêtres ont laissé intacte l’opinion moyenne, qui est l’opinion unitaire, et le gouvernement a recueilli sans peine les impôts augmentés, qui sont payés sans murmures. Quant à la conscription, je suis obligé d’entrer dans quelques détails rétrospectifs pour prouver à quel point les populations napolitaines se prêtent avec intelligence aux lois nouvelles. Sous le gouvernement des Bourbons, la levée en moyenne était de vingt-quatre mille hommes ; ses opérations duraient un an, et jamais, même dans les époques les plus calmes, elle ne fournissait plus de quatorze mille hommes ; chaque levée, pour ainsi dire, se soldait par un déficit de dix mille hommes qui évitaient le service militaire, soit par la fuite, soit à l’aide de ces moyens de corruption si fort en usage sous l’administration bourbonnienne. Le gouvernement du roi d’Italie hésita longtemps à décréter la levée ; les prédictions les plus sinistres ne lui étaient pas épargnées. « Faire la levée en ce moment, disait-on de toutes parts, c’est vouloir donner une armée au brigandage. » Le ministère tint bon et fît bien : il décréta, au mois de décembre 1861, une levée de trente-six mille hommes, par voie de sort, dans les provinces de l’ancien royaume des Deux-Siciles ; or au mois de juin 1862 vingt-huit mille conscrits avaient déjà répondu à l’appel sans avoir besoin, comme autrefois, d’être stimulés par une gendarmerie active. C’est là un fait qui parle haut. De plus, il faut faire remarquer avec soin que les provinces ordinairement éprouvées par le brigandage, la Capitanate, la Basilicate, non-seulement n’ont pas eu un seul réfractaire, mais encore ont fourni un nombre assez important d’engagés volontaires. Une seule province a été récalcitrante, c’est la province même de Naples, car il y avait là une corruption administrative traditionnelle que la proximité de la capitale favorisait, et puis les menées réactionnaires sont plus remuantes autour et dans le sein d’une grande ville, où l’on déroute facilement la police, que dans les campagnes. Puisque je parle de l’armée, je prouverai par un seul fait combien sont mensongers les bruits qui tendent à faire croire que l’ancien royaume des Deux-Siciles, loin de s’être librement donné au gouvernement constitutionnel du roi Victor-Emmanuel,