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curiosité, assistait au culte fait chaque dimanche dans les légations dont je viens de parler, il était administrativement mis en prison pour un temps indéterminé. Ainsi repoussée brutalement par l’ancien gouvernement, la propagande protestante n’existait pas à Naples, et le protestantisme n’était et n’est encore représenté que par un seul pasteur, M. Roller, homme intelligent, Français de naissance, et animé de cet esprit de bonne volonté qui ne compte pas les obstacles et n’envisage que le bien à faire. Dès qu’il fut libre dans l’exercice de sa foi, M. Roller voulut établir à Naples la propagande protestante sur une base sérieuse, et, aidé de quelques hommes convaincus comme lui, il commença courageusement son œuvre, œuvre très importante, car elle peut fonder la liberté morale dans ce pays qui vient de recevoir la liberté politique. La première préoccupation de ces nouveaux apôtres fut d’imaginer un culte qui ne brisât pas du premier coup les habitudes catholiques des Napolitains, et qui laissât du moins subsister quelques images devant des yeux accoutumés aux représentations figurées de toute sorte. Il n’en fut pas besoin : en vertu des lois fatales de l’action et de la réaction, tous les Napolitains qui allèrent écouter la parole évangélique, et qui en furent touchés, se jetant dans l’excès contraire à celui qu’ils avaient professé, furent iconoclastes, et iconoclastes à ce point que plusieurs refusèrent de recevoir la cène dans la légation d’Angleterre parce qu’un christ en bois, pendu à la muraille, y décorait la chapelle.

Des écoles pour les enfans ont été ouvertes, et plus de trois cents élèves les fréquentent. — Vous savez qui nous sommes, et que nous sommes excommuniés ? disaient les maîtres. — Oui, répondaient les parens ; nous savons que votre religion n’est pas la nôtre ; mais nous savons que vous ne nous voulez que du bien, et nous vous amenons nos enfans, — Des réunions pour les adultes ont lieu trois fois par semaine le soir. Plus de deux cents hommes, presque tous du peuple, y assistent. La discussion y est absolument libre, et chacun dit à son tour ce qu’il croit avoir à dire. La chambre est simple, éclairée d’une ou deux lampes ; les murs, nus, récrepis à la chaux, contrastent étrangement avec les décorations qui ornent les églises napolitaines ; mais cela n’est même pas remarqué par les nouveaux adeptes : la parole du pasteur les captive, la discussion les anime, et chaque jour les assistans deviennent plus nombreux. Ces conférences sont extrêmement curieuses, non-seulement à cause du personnel qui les compose, des questions qu’on y agite, mais à cause de l’esprit vraiment extraordinaire qu’y déploient de simples popolani. On parlait du culte extérieur, des pompes catholiques, de la simplicité protestante, on argumentait pour et contre. Un homme se lève, et dans son patois napolitain il dit à peu près ceci : « Je suis cuisinier.