Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/392

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pétersbourg et Cronstadt ; ce n’est en effet qu’une application curieuse du système ordinaire. Même remarque pour les petites machines destinées aux exploitations houillères. Les caractères de l’innovation se rencontrent, il est vrai, dans un appareil inventé par M. Ramsbottom, directeur du service des locomotives sur le London and North Western railway, pour prendre en route, sans arrêter la marche, l’eau nécessaire à la locomotive ; mais il n’y a là qu’un appendice, une simple addition à la machine[1].

Autre trait de caractère qui s’accuse fortement à l’exposition : les constructeurs d’outre-Manche répugnent à tout système venant du dehors. Voyez plutôt ce qui s’est passé pour une machine dont le nom a souvent retenti devant le public, la machine Crampton. Quoique la combinaison soit due à un ingénieur anglais, il a suffi qu’elle ait été d’abord imparfaitement réalisée en Angleterre, que la machine ait ensuite reçu en France, de concert avec l’inventeur, diverses modifications qui l’ont rendue plus pratique, pour qu’elle ait été considérée comme étrangère. Elle avait paru solliciter ainsi à l’extérieur des grandes lettres de naturalisation. Dès lors nos voisins n’ont voulu en faire aucun usage. Tandis que d’habiles constructeurs français affirment que la locomotive Crampton, avec ses perfectionnemens successifs, est le meilleur instrument de vitesse, les Anglais persistent à en employer d’autres, qui sont dans des données toutes différentes. Ainsi ils aiment mieux élever démesurément la chaudière en l’air, comme on le remarque à l’exposition, ce qui rend l’appareil plus versant, que de recourir à ces prolongemens vers l’arrière qui distinguent le système de M. Crampton.

Certaines différences entre les procédés anglais et les procédés français s’expliquent par des raisons moins arbitraires, et tirées du mode d’exploitation. Notons d’abord que la plupart des lignes étant relativement assez courtes en Angleterre, divers détails du service y ont beaucoup moins d’importance que dans notre pays. De même le champ des expériences y est moins étendu. En ce qui concerne le transport des marchandises, la dissemblance est surtout très notable. En France, il est de principe de viser à conduire la plus lourde

  1. Le procédé est ingénieux et mérite un mot d’explication. Aux endroits où la machine doit renouveler son approvisionnement, et qu’on peut choisir du reste loin des stations, là où se rencontrent des sources convenables et où le terrain est le plus favorablement disposé, — l’eau est amenée sur la voie, entre les deux rails, dans une sorte de rigole longitudinale. Dès que la locomotive arrive au-dessus, un tuyau terminé par une sorte de cuiller et attaché au tender, plonge dans l’eau qu’il élève et déverse dans les récipiens. Ce mécanisme convient sur les lignes où la célérité est d’une importance capitale, où les minutes se comptent, par exemple sur celle qui d’Holyhead apporte à Londres la malle irlandaise. Sur des chemins très fréquentés, comme celui de Liverpool à Manchester, c’est encore un avantage que de pouvoir se dispenser de fermer la voie pendant que les trains de marchandises ont à renouveler leur provision d’eau.