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Aujourd’hui l’Angleterre semble s’attacher à exploiter les conquêtes anciennes bien plus qu’à en tenter de nouvelles[1]. En proie à des déchiremens qui absorbent leurs forces, les États-Unis ne comptent plus guère que par la hardiesse et la multiplicité des combinaisons antérieures. Regardez au contraire plus près de vous, en France, en Allemagne, en Belgique, d’incessans efforts visent non-seulement à perfectionner les élémens acquis, mais encore à augmenter sans cesse par d’ingénieuses combinaisons l’énergie des mécanismes. Puissance, sûreté, économie, tels sont les termes qu’on s’efforce d’allier dans ces recherches infatigables, dans ces élans ininterrompus vers le mieux. Chacun peut reconnaître désormais si un lien étroit unit bien cet âpre travail à la mission que remplissent de plus en plus les chemins de fer pour élargir le champ où l’industrie va chercher ses matières premières. Ce ne sera pas céder aux impulsions du sentiment national, mais simplement tirer une conséquence naturelle des faits recueillis dans cette étude, que de montrer la France en tête du mouvement, au moins dans toute la série des expérimentations qui dérivent directement de la science. La solidarité de plus en plus visible que le développement des rapports internationaux amène entre les peuples a pour effet immédiat de mettre au service de chacun le résultat des efforts de tous. Les moins avancés profitent ainsi tout de suite des conquêtes ayant le plus coûté à ceux qui supportent depuis le début, comme dans la vigne du père de famille, le poids du jour et de la chaleur. Telle est la loi générale. Pour les sociétés et pour les hommes, la gloire est plutôt de donner que de recevoir, de répandre le bien que de chercher à l’absorber ; mais ici, comme il arrive souvent, l’intérêt matériel s’unit avec l’accomplissement de cette mission de patronage résultant de l’inégalité des civilisations. Tout développement de richesse et de bien-être parmi les peuples profite non-seulement à ceux qui en ressentent directement l’effet, mais encore et surtout à ceux qui ont eu l’initiative du mouvement.


A. AUDIGANNE.

  1. L’esprit inventif se porte en Angleterre pour le moment sur les appareils de navigation. La hardiesse et la beauté du travail dans les pièces figurant à l’exposition ont été reconnues par tous les connaisseurs. La navigation à vapeur continue le chemin de fer en quelque sorte à travers les mers. L’effort des plus habiles constructeurs anglais, en tête desquels parait le nom de M. John Penn, tend surtout à ménager soit l’espace occupé par les mécanismes, soit la consommation de la houille, en vue de réserver le plus de place disponible. Dans la section des machines pour la marine, on ne compte à Londres que quatre exposans du continent, dont deux Français : de beaux dessins, dus à M. Armengaud aine, représentent en outre les machines du yacht l’Aigle ; mais des ateliers très renommés, comme ceux du Creuzot, comme un grand établissement du Havre et un autre de Nantes, n’ont rien envoyé à l’exposition.