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d’indiquer était de nature à froisser la majorité ; elle était surtout choquée, et l’opinion publique avec elle, du maintien au pouvoir de l’ancien collègue de M. Ricasoli dont l’action dissolvante avait amené cette crise ministérielle. Un instant les partisans de l’ancien cabinet songèrent à maire le successeur de M. Ricasoli en minorité dans la chambre élective. Ils le pouvaient aisément s’ils voulaient faire alliance avec l’extrême gauche ; mais le roi n’avait fait, après tout, qu’user de sa prérogative constitutionnelle. Afin de soutenir le ministre qu’il préférait, il était également en droit de dissoudre la chambre et d’en appeler au pays. Dans l’état où se trouvait l’Italie, c’était chose grave d’entrer en lutte ouverte avec le chef de la dynastie et de poser devant les électeurs la question du gouvernement personnel. Les chefs de la majorité eurent le bon sens de le comprendre, et les anciens collègues du baron Ricasoli ne furent pas les moins empressés à calmer leurs plus fougueux adhérens. Ils obtinrent que, sans donner un vote d’absolue confiance au nouveau cabinet, on éviterait encore plus de se mettre en opposition systématique avec lui. Cette sagesse porta vite ses fruits ; M. Rattazzi comprit la nécessité de ne pas faire attendre au public une satisfaction morale qu’il était de bon augure de lui voir réclamer impérieusement. Celui de ses collègues qui avait fait partie de l’ancien cabinet, et dont la présence sur les nouveaux bancs ministériels soulevait le plus d’objections, en fut écarté. Le cabinet se fortifia en même temps du concours de trois hommes honorables, MM. Durando, ministre des affaires étrangères, Conforti à la justice, et Matteucci à l’instruction publique, ce dernier bien connu des lecteurs de la Revue et de tous ceux qui professent en Europe le culte élevé des sciences. Ainsi modifié, le ministère prit une mesure qui fut tout d’abord bien accueillie. Il incorpora dans les cadres de l’armée régulière, moyennant certaines conditions à remplir, les officiers de l’armée de volontaires qui avait combattu sous les ordres de Garibaldi. Ces anciens chefs des bandes méridionales devaient prendre rang, d’après leur ancienneté, à la suite des officiers de leur grade. Pour les armes savantes, l’intendance, etc., on se borna à imposer quelques conditions d’examen qui garantissaient leur aptitude. Cette mesure avait pour effet de dissoudre, en les enrôlant d’une façon définitive, des corps organisés et cependant sans emploi, dont la turbulence ne laissait pas d’être un sujet d’inquiétude. C’était aussi donner sans inconvéniens d’aucune sorte une juste satisfaction à Garibaldi, toujours généreusement occupé du sort des hommes qui avaient combattu sous ses ordres. Bien heureux eût été M. Rattazzi de pouvoir s’en tenir là ; mais Garibaldi ou plutôt les personnes de son entourage mirent en avant d’autres exigences. On s’était trop aidé de leur concours pour ne