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blesse ses croyances, qu’elle ne puisse, accepter, et dont elle ne doive au contraire tirer un magnifique parti ? Ne se vante-t-elle pas d’être l’église universelle par excellence, l’église de tous les temps, de tous les pays, et qui s’accommode de toutes les formes de gouvernement ? Pourquoi donc lier sa cause à celle des pouvoirs qui tombent et des régimes qui se discréditent ? Que ne se tourne-t-elle vers les horizons nouveaux ? Que ne s’inspire-t-elle de l’esprit des générations qu’on sent venir ? Pourquoi, lorsque le choix lui en est laissé, ne se rallie-t-elle pas, dans ses épreuves présentes, à ces idées qui, bien entendues ; ne lui furent jamais hostiles, qu’elle a elle-même professées dans ses meilleurs jours, qui sont éternellement jeunes, éternellement vivantes, plutôt que de risquer son prestige en s’identifiant à des formes indifférentes par elles-mêmes, passagères de leur nature, déjà vermoulues et près de périr ?

Mais peut-être ai-je le tort d’oublier, bien contre mon gré, que l’église catholique est à cette heure plus vivement attaquée qu’elle n’est sagement défendue, et que tous les torts ne sont pas de son côté. C’est pourquoi, me retournant du côté des Italiens et du gouvernement piémontais, je les supplierai, eux aussi, au nom de ces mêmes idées qu’ils ont inscrites sur leur drapeau, et dont ils se portent les champions, de ne pas les compromettre par une hâte intempestive et par des violences inconsidérées. Que les hommes d’état piémontais, successeurs de M. de Cavour, se rappellent donc et qu’ils pratiquent son véritable programme, si nettement tracé dans les derniers discours que nous avons cités. M. de Cavour l’a dit hautement : il ne se proposait d’aller à Rome que d’accord avec la France, non pas seulement avec la France officielle, mais avec la France libérale et catholique, non pas seulement avec l’adhésion des catholiques français, mais du consentement des catholiques du monde entier. Chose nouvelle peut-être pour lui, d’ordinaire si ardent, il voulait que la reconnaissance du droit précédât cette fois la prise de possession. J’ai entendu dire à Turin, à d’anciens collègues de M. de Cavour qui le connaissaient fort bien, qu’il n’était peut-être pas aussi pressé qu’il en avait l’air d’aller à Rome. Sans doute il souhaitait en faire la capitale nominale de l’Italie, sans doute il sentait mieux que personne combien la présence des Français, en encourageant la résistance du saint-père, rendait difficile la constitution définitive du royaume italien ; mais ce qu’il désirait surtout en insistant pour l’évacuation de nos troupes, c’était d’être mis sans intermédiaires en rapport direct avec le pape, non pas pour le contraindre, mais pour transiger avec lui, car de faire de Rome le siège constant, la demeure effective et continuelle du roi et du parlement, il en était assez peu tenté. Mettre dès à présent et pour toujours le gouvernement