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L’empereur, dans cette question romaine, est, nous le répétons, poussé vers les Italiens par les passions révolutionnaires, qui lui demandent le sacrifice du pape, et retenu par les préjugés du clergé, qui menace de rompre, si on l’abandonne. Que les Italiens s’occupent donc un peu moins de plaire à leurs auxiliaires (c’est la règle dans les affaires de ce monde), et qu’ils songent un peu plus à ramener leurs adversaires. N’était-ce pas là l’intention évidente, la préoccupation visible, la tendance déjà fortement accusée de l’habile homme d’état qu’ils se proposent d’imiter ? Ils devraient le prendre pour modèle, lorsque, rompant avec ses habitudes antérieures, il portait par avance, il y a un an, cette question devant les chambres, non pour la brusquer, comme il avait fait de tant d’autres, mais pour la mettre au contraire à l’ordre du jour des intelligences, pour inviter amis et ennemis, patriotes italiens et cabinets étrangers, à la résoudre pacifiquement, de concert avec lui, par la voie féconde des transactions amiables et des généreux compromis. Un parlement où siègent des hommes comme le baron Ricasoli, MM. Rattazzi, Minghetti, Farini et tant d’autres, ne peut que profiter à se mettre, du haut de la tribune piémontaise, en communication directe avec le grand public européen et à l’instruire de ses véritables intentions. « Après tout, c’est l’opinion publique qui décide en dernier ressort, » a dit une voix qu’ils ont mille raisons d’écouter. Qu’ils s’adressent de plus en plus à cette opinion publique ; qu’ils la persuadent, et leur cause sera gagnée. Prévenons-les toutefois que les discours seuls n’y suffiraient pas. Il y faut les actes. Qu’ils annoncent la liberté pour l’église et la fassent entrevoir autrement que par des paroles. L’église libre dans l’état libre est, je le sais bien, un programme, pour l’avenir, non pas un engagement formel immédiatement applicable au présent. Cependant il est bon d’éviter les contrastes trop choquans entre ce que l’on offre pour demain et ce que l’on fait aujourd’hui. La loi Conforti n’est pas, il faut l’avouer, d’un très heureux augure ; franchement aussi il y a trop d’évêques arrêtés ou exilés en Italie. « Le premier venu, disait volontiers M. de Cavour, gouvernerait avec l’état de siège. » On a de même facilement raison des gens, et surtout de pauvres prêtres, quand on les emprisonne. Je préférerais donc que le gouvernement italien commençât à faire dès aujourd’hui son apprentissage en essayant de vivre avec le clergé, même quand celui-ci se mettrait dans son tort, et s’efforçât de le contenir sans le violenter, car, je l’en préviens de bonne foi, et avec lui tous les gouvernemens (le nombre en sera grand, je l’espère) qui voudront adopter la devise « de l’église libre, » l’ère nouvelle qu’il s’agit d’inaugurer n’amènera pas positivement des jours tranquilles, filés d’or et de soie, pour ceux