Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/452

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre siècle. Dispenser les droits politiques dans le seul intérêt social en les mesurant Il l’aptitude présumée, remettre la conduite des affaires non pas toujours sans doute aux plus vertueux, comme dans le royaume de Salente, mais aux plus intelligens et aux plus capables, sous la condition que ceux-ci soient agréés tout d’abord par les organes légaux de l’opinion publique et soutenus par leur concours, rehausser l’exercice du pouvoir par le droit et par le devoir viril de la responsabilité, assurer enfin, en respectant l’inviolabilité souveraine, un vaste champ à la lutte des forces intellectuelles comme à l’activité régulière des ambitions, telle sera probablement encore, dans les conditions nouvelles où la France est entrée par le rétablissement de l’empire, l’œuvre de la génération qui doit nous suivre, comme elle fut celle des hommes de la génération précédente. Les grands courans d’une époque ne sont guère plus détournés par les agitations qui s’y succèdent que les courans sous-marins par les tempêtes qu’on voit soulever la surface de l’océan.

Depuis que le ministère du 29 octobre 1840 avait rétabli avec l’Europe les rapports interrompus par le traité du 15 juillet, et qu’une majorité parlementaire compacte avait assuré l’avenir du parti conservateur, la monarchie de 1830 pouvait se considérer comme placée au-dessus des atteintes de ses ennemis. Les sociétés secrètes, qui, six années auparavant, avaient fait couler le sang à Paris et à Lyon, étaient désormais sous la main de la police, et leur fureur ne s’exhalait plus que par de sauvages attentats providentiellement conjurés. L’opposition, disciplinée par un chef illustre, avait passé d’une hostilité violente contre le pouvoir au désir non moins violent de lui faire agréer ses services, de telle sorte que la royauté avait désormais bien plus à se prémunir contre ses impatiences que contre ses haines. Hors du cadre des opinions dynastiques, les grands propriétaires légitimistes et beaucoup d’hommes influens du parti religieux manquaient sans doute au faisceau des forces conservatrices en y laissant un vide très dommageable aux intérêts moraux. Déjà cependant la jeune génération aristocratique aspirait à forcer les portes de l’assemblée élective, et, sans pactiser avec le principe du gouvernement nouveau, elle était en voie de prendre en face de celui-ci l’attitude de droiture loyale commandée à tout galant homme qui se résout à profiter du bénéfice des institutions. De son côté, le parti religieux subissait sans trop d’impatience les retards apportés à l’exécution de l’article 69 de la charte par le profit moral qu’il retirait de la discussion. Il en était venu à cette pleine confiance dans le triomphe, de la justice et du bon droit qui est l’honneur et la vie même des pays libres. L’église avait pris sur le terrain de la liberté pour tous une attitude qui alors doublait