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a été la forme même du gouvernement et de l’indépendance de l’église catholique dans le monde, tomberait du même coup. Une révolution radicale, profonde, irrévocable, dont les conséquences devraient retentir dans tous les pays catholiques, serait accomplie dans ce qu’on pourrait appeler l’organisation extérieure du catholicisme. L’effet immédiat de cette révolution serait de changer les vieilles bases sur lesquelles sont fondées les relations de l’église catholique avec les gouvernemens. Jusqu’à ce jour, par une suite même de la confusion du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel dans la papauté, les pouvoirs laïques, jaloux ou effrayés de la puissance excessive de ce pouvoir étrange où le pontife était inséparable du prince, où les intérêts politiques étaient, par une trame subtile, emmêlés aux intérêts religieux, où les calculs d’une cour se doublaient du prosélytisme d’une église, s’étaient constamment appliqués à enfermer dans les frontières les plus étroites l’organisation religieuse du catholicisme. Les papes étant exposés à empiéter sans cesse sur la sphère des gouvernemens laïques, ces gouvernemens à leur tour empiétaient sur la sphère de la liberté religieuse. Les relations de l’église avec l’état dans cet ordre de choses étaient fondées sur des transactions, des traités, des concordats, qui, au point de vue religieux comme au point de vue politique, établissaient la hiérarchie et l’administration de l’église dans un régime exceptionnel. Dans ces traités, l’étal concédait à l’église des prérogatives qui faisaient exception au droit commun, et l’église faisait à son tour à l’état des concessions qui ne laissaient plus son intégrité à la liberté et à l’indépendance religieuses. Tous ces concordats seraient ébranlés et bientôt frappés de caducité par la fin du pouvoir temporel.

Une situation nouvelle serait substituée à l’ordre ancien, pour le catholicisme, au sein de toutes les sociétés politiques. Il faudrait chercher et trouver à l’indépendance du gouvernement spirituel du catholicisme d’autres garanties que celles que l’on avait cru trouver dans la réalité ou la menteuse apparence du pouvoir temporel. Les libertés politiques fondamentales que connaissent les sociétés modernes, et auxquelles la France aspire depuis 1789, — la liberté de la presse, la liberté de réunion, la liberté d’association, — contiennent toutes les garanties nécessaires de la liberté religieuse, et par conséquent du gouvernement indépendant de l’église catholique, garanties d’autant plus honorables, d’autant plus certaines, qu’elles seraient fournies par le droit commun, et qu’elles seraient pures de l’odieux qui s’attache aux privilèges. Ceux donc qui sont dévoués à ces libertés, qui sont prêts à les donner aux catholiques, qui au besoin les réclameraient pour eux, comme pour tous, avec une loyale et inflexible énergie, peuvent avec une entière tranquillité de conscience imposer à la papauté l’abandon de la puissance temporelle, sûrs qu’ils sont de rendre à l’église libre dans l’état libre, en principe, tout ce qui est dû à la liberté religieuse, — en fait, bien plus que ce que le catholicisme aura perdu à