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interprétation approximative des véritables tendances du gouvernement ? Mais ce n’est pas tout : il est impossible que la portée politique d’élections accomplies en ce moment, en face de la question toute brûlante de Rome, que ce caractère probable du mouvement électoral que nous avons essayé d’indiquer aient échappé aux hommes du pouvoir. Les élections seraient dans ces circonstances une épreuve toute nouvelle ; pressentir les conséquences d’une telle épreuve, concerter la conduite qu’on y voudra tenir, se familiariser d’avance avec l’issue qu’elle peut avoir, s’y préparer, tout cela demande de la réflexion, des délibérations, un certain travail préliminaire et par conséquent du temps, plus de temps qu’on n’en aurait d’ici à la fin d’octobre. Aucun symptôme n’est venu révéler que la question électorale ait été jusqu’à présent au sein du pouvoir l’objet d’investigations, de discussions, d’apprêts de ce genre. Rien n’annonce qu’une résolution si héroïque ait été arrêtée. Si donc les bruits relatifs à la prochaine dissolution du corps législatif se vérifiaient, la surprise serait agréable pour nous ; mais nous sommes forcés de convenir que ce serait une surprise. En tout cas, le corps législatif actuel n’a plus à vivre qu’une session. Le terme le plus éloigné d’une élection générale ne peut dépasser une année. Si d’ici là les affaires de Rome ne sont point arrangées, la question électorale devra se poser dans les termes que nous venons de signaler, et, nous l’espérons, les considérations que nous venons de présenter ne seront point regardées comme appartenant aux rêveries oiseuses de la politique conjecturale.

Parler de ce qui se passe en Italie, c’est précisément suivre l’enchaînement des embarras que crée à ce pays la suspension de la question romaine. Les faits actuels ont là une signification qui ne devrait point échapper aux observateurs avisés. L’affaire d’Aspromonte n’a point diminué le prestige de Garibaldi : il faut dire la vérité, le malheur de ce patriote enthousiaste a excité partout un mouvement de généreuse sympathie qui étonne les hommes d’état italiens et qui nous a nous-mêmes surpris. Tous les esprits sensés ont blâmé la dernière entreprise de Garibaldi ; tous les libéraux qui en déploraient les conséquences possibles se sont réjouis de voir la prompte défaite des volontaires détourner de la cause italienne les périls auxquels une telle prise d’armes l’exposait. Il semblerait, d’après une lettre écrite par Garibaldi, qu’après tout il aime mieux que les choses se soient terminées ainsi. Personne n’a jamais vu dans Garibaldi une tête politique ; mais on reconnaît en lui un grand cœur, et pour les sentimens généreux qui l’animent, pour son entraînement désintéressé, si supérieur au ton moral de notre siècle, on lui pardonne aisément de n’être point initié à l’art des hommes d’état. Garibaldi vaincu, blessé, prisonnier, demeure donc, — comment résister à l’évidence ? — l’homme le plus populaire de l’Italie. Au contraire, soit que sa victoire fût trop lourde à porter, soit qu’il n’ait point su en profiter, M. Rattazzi est retombé en de plus graves embarras, et se montre aujourd’hui plus faible que jamais. Or M. Rattazzi était en Italie