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fit autant et parut vouloir le reconduire jusqu’à la porte. « Après un tel entretien, ce cérémonial n’est pas de saison, » dit Herbert, qui sortit aussitôt et s’éloigna de Paris quelques jours après, parlant très haut et disant à ceux de ses amis qui s’inquiétaient pour sa sûreté : « Je suis en sûreté partout où j’ai mon épée à mon côté. » Le maréchal de Cadenet, en partant pour Londres, reçut de son frère, parmi ses instructions diverses, l’ordre de porter plainte au roi Jacques contre son ambassadeur et de demander son rappel.

Mais le moment était mal choisi pour une telle exigence, et le connétable avait mal apprécié l’aptitude de son frère à la mission compliquée et délicate qu’il lui donnait. Le début n’en fut pas heureux. Le maréchal de Cadenet s’embarqua à Calais le 1er janvier 1621 avec un nombreux et brillant cortège, cinquante ou soixante gentilshommes de marque, dit-on, et trois cents serviteurs; mais il s’embarqua avec une précipitation étourdie et sans s’être assuré que tout serait prêt sur l’autre rive pour les honneurs auxquels il tenait tant. En débarquant à Douvres, il n’y trouva pas le maître des cérémonies qui devait venir l’y recevoir. Il fut obligé de l’attendre quatre jours et repartit pour Londres plein d’humeur. Il en avait aussi contre le comte de Tillières, qui aurait dû, pensait-il, venir au-devant de lui jusqu’à Douvres, ce que le comte n’avait pas fait, « attendu, dit-il, que les ambassadeurs résidant sur les lieux n’avaient pas accoutumé d’aller plus avant que d’une journée pour rencontrer les extraordinaires, encore qu’ils fussent prévenus. » M. de Tillières ne crut devoir aller au-devant du maréchal que jusqu’à Rochester, et il n’alla pas même jusque-là, car le maréchal en était déjà parti; ils se rencontrèrent sur la route entre Rochester et Londres, et, descendant tous deux de voiture, ils se complimentèrent froidement. Arrivés à Gravesend, où ils devaient coucher, le comte dit au maréchal « qu’entre autres honneurs que le roi de la Grande-Bretagne lui faisait, il lui enverrait dans la journée le comte d’Arundel, le premier comte d’Angleterre, avec ses barges, pour le mener le lendemain par eau au palais royal de Somerset, et il le pria de traiter ledit comte comme un homme de sa qualité et comme l’envoyé d’un grand roi. Le maréchal lui ayant demandé quel honneur il lui devait faire, le comte de Tillières lui répondit qu’il devait aller au-devant de lui jusque sur le degré, et même, si la foule ne l’en empêchait, en descendre un ou deux, lui donner la main droite à l’entrée de la porte et le reconduire au moins jusqu’au bas du degré... Le maréchal ne tint compte du conseil, car il n’alla que jusqu’à la porte de sa chambre au-devant du comte d’Arundel, et il ne l’eût conduit que sur le perron sans le comte de Tillières, qui, poussé d’impatience et perdant tout respect, le prit par son manteau et lui fit descendre à toute peine deux degrés de plus; mais il ne lui