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tisan élégant, gentilhomme de la chambre du prince de Galles, l’un des cliens assidus du duc de Buckingham, beau d’une beauté gracieuse et presque féminine, aimable et spirituel avec douceur et souplesse, cherchant surtout sa fortune dans la faveur des princes et des femmes, et doué de tous les dons qui valent de tels succès. Il avait déjà séjourné en France, et, quoiqu’il en sût assez mal la langue, il en connaissait bien la cour. Arrivé à Paris vers le milieu de février, il apprit que Louis XIII partait le lendemain pour aller passer quelques jours à Chantilly, mais qu’il devait, le soir même, assister à un ballet dansé chez la reine. Pressé de se montrer au roi, lord Kensington se rendit sur-le-champ au Louvre, dans l’appartement du duc de Chevreuse, avec qui sans doute il était déjà en relation. « Je les trouvai, dit-il dans sa première lettre à Buckingham, lui et la duchesse sa femme, se préparant pour le ballet et parés de tant et de si riches bijoux que je n’en verrai jamais de pareils portés par des sujets. J’étais là depuis une heure à peine, quand la reine et Madame[1] y vinrent et restèrent longtemps. On remarqua que Madame avait rarement paru aussi gaie que ce soir-là, et quelques personnes me dirent que j’en devais bien deviner la cause. Mylord, j’en jure devant Dieu, c’est une jeune, douce et aimable créature. Elle n’est pas encore bien grande, mais sa taille est parfaite, et ils affirment tous que sa sœur la princesse de Piémont, qui est maintenant une grande et imposante dame, n’était pas plus grande qu’elle à son âge. Je pensais que la reine aurait avec moi une certaine réserve, comme une personne mécontente des embarras et de la rupture du traité espagnol; mais je la trouvai tout autre. Elle est si vraiment Française, dit-on, qu’elle désire ce mariage-ci plutôt que celui de sa propre sœur. Le roi, qui doit partir de grand matin, fit un somme pendant que les dames se préparaient; mais, dès qu’il s’éveilla, il m’envoya chercher, se proposant de me recevoir comme un ambassadeur. Je priai le duc de Chevreuse de lui faire entendre que je venais en humble et reconnaissant serviteur, uniquement pour baiser la main de sa majesté et me mettre à son service. Il me reçut alors librement et gaîment, et me demanda si le roi avait été satisfait du présent qu’il lui avait envoyé par M. de Bonevan[2], et quand je lui dis combien notre roi y avait pris de plaisir et y mettait de prix, il se montra charmé. »

Quelques jours après, et sans que Louis XIII ni ses ministres y fussent encore intervenus, l’affaire avait fait un pas ; lord Kensington avait vu Marie de Médicis. « Pendant l’absence du roi, » écrivit-il au duc de Buckingham. «je suis allé souvent au Louvre, où j’ai eu l’honneur d’entretenir la reine-mère. Je trouve que c’est elle seule

  1. La princesse Henriette-Marie.
  2. Sans doute les faucons, les chevaux et les chiens de chasse.