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tout le péril, et ils redoublèrent d’efforts et de concessions pour ramener vers Madrid le gouvernement anglais. « On parle ici beaucoup de la venue du père Maestro, » écrivait le 20 (30) mars 1624 à sir Dudley Carleton, ministre d’Angleterre en Hollande, son ami John Chamberlain; « il a passé par Paris la semaine dernière, et il vient de Rome, où le pape trouve, dit-on, que la cour d’Espagne a fait une grande faute en ne menant pas mieux son affaire pendant que le prince était à Madrid. Le pape voudrait à tout prix renouer le mariage; pour y réussir, il dispenserait les Espagnols de sa dispense, en en retranchant les clauses qui exigeaient que les catholiques romains eussent une église publique à Londres, et partout où habiterait l’infante. On parle encore d’autres offres, si larges, dit-on, qu’il n’y aurait pas moyen de les refuser. » Le parlement anglais était déjà réuni alors, et il avait déjà pris, contre l’alliance espagnole, quelques-unes des résolutions qui devaient entraîner celles du roi Jacques; mais la cour de Madrid était si mal informée de l’état des faits ou elle jugeait si mal de l’état des esprits qu’elle s’obstinait à tenter de ressaisir la chance qu’elle avait si maladroitement laissé échapper. « Le parlement peut demander au roi d’Angleterre tout ce qu’il voudra, » disait le roi Philippe IV, « le prince de Galles s’est engagé envers moi à épouser ma sœur; il ne manquera pas à sa parole. »


III.

Quand les résolutions du parlement et du roi Jacques furent devenues publiques et décisives, le comte de Tillières écrivit à sa cour : « Il semble que, depuis la déclaration du roi de la Grande-Bretagne touchant la rupture des deux traités avec l’Espagne, les choses s’acheminent au grand galop à la guerre. Ce n’est pas que ceux qui pénètrent un peu avant les affaires et qui connaissent l’humeur de ce roi, autant qu’elle se laisse connaître, ne jugent bien que ce chemin ne lui plaît pas et qu’il souhaiterait de tout son cœur de sortir de ce détroit; mais, considérant ce qu’il a déjà fait, comme il est environné du prince de Galles, de son favori et du parlement, et le peu de personnes qui l’assistent en cette occasion, ils croient bien qu’à la fin et insensiblement il se laissera porter à tout ce que le prince de Galles et le marquis de Buckingham désirent, qui est la guerre. Ils ne chantent autre chose, peut-être par raison, ou peut-être par passion et pour ne savoir pas combien vaut l’aune. Il faut attendre le temps, qui est un grand maître, et qui fait voir clair dans les affaires les plus douteuses et incertaines, pour connaître s’ils font bien ou mal, et ce fais-je; mais pendant cela je ne laissai, il y a quelques jours, d’aller voir le duc de Buckingham pour me