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tres, imagina un expédient pour le tirer d’embarras. Il lui proposa de feindre une indisposition et de se mettre au lit quand il faudrait recevoir chez lui les ambassadeurs d’Angleterre. Il engagea ceux-ci à écrire à leur maître pour lui persuader que les affaires dont il les avait chargés ne pouvaient réussir s’il ne leur laissait la faculté de suivre ce qui s’était toujours pratiqué par le nonce du pape et par les ambassadeurs de l’empereur et du roi d’Espagne. La réponse du roi d’Angleterre fut conforme à leurs désirs et encore plus à ceux du cardinal, qui parut fort content quand M. de La Ville aux Clercs vint l’avertir qu’il pouvait traiter chez lui avec les deux ambassadeurs d’Angleterre. »

Quand les négociateurs entrèrent effectivement en pourparlers, le cardinal se garda bien de dire, comme on l’avait fait à Madrid, que l’issue en était soumise à la décision du pape sur la dispense requise pour le mariage; il maintint au contraire avec soin, dans toute la négociation, l’indépendance de la couronne de France, et ne fit intervenir le nom du pape, dans ses conférences avec les ambassadeurs d’Angleterre, que pour déterminer le délai dans lequel la dispense devrait être obtenue. Le 19 juin 1624, Louis XIII écrivit lui-même au comte de Tillières : « Les ambassadeurs du roi de la Grande-Bretagne, mon frère, ayant désiré, au premier article, qu’il fût pris un délai pour obtenir de notre saint-père le pape la dispense qui est nécessaire, j’ai consenti à leur désir, et pris, pour tout délai et préfixion, le terme de trois mois, pendant lequel j’espère d’obtenir ce qui est si avantageux pour la religion catholique. » Richelieu ôtait ainsi aux Anglais toute inquiétude des lenteurs indéfinies qu’ils avaient eu à subir en Espagne, et se montrait résolu à marcher vivement vers leur but commun; mais en même temps, pour éviter tout reproche d’indifférence aux intérêts de la religion catholique, il demanda d’une façon générale qu’à cet égard le roi d’Angleterre accordât, pour obtenir la sœur du roi de France, tout ce qu’il avait promis pour obtenir celle du roi d’Espagne. Ainsi l’exigeait, dit-il, l’égalité des deux couronnes.

Quand on en vint à déterminer avec précision les concessions ainsi vaguement demandées, de graves difficultés s’élevèrent : les négociateurs anglais posèrent en principe que leur roi ne pouvait rien faire qui fût directement contraire aux lois de son royaume, et qui le mît en lutte avec le parlement dont les intentions venaient d’être si fortement manifestées. « Quant à la liberté publique pour la religion catholique, dit Richelieu, ils n’en voulurent pas seulement entendre parler, témoignant que c’était avoir dessein, sous ombre d’alliance, de détruire leur état que de leur faire une telle demande. Quant à la secrète, ils avaient encore grand’peine à l’accorder. » La cour de Rome, de son côté, fit des efforts répétés, quoique timides,