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servait plus complète encore sous le nouveau roi, naguère son compagnon d’aventure; il allait recevoir pour lui une jeune reine, gage d’une alliance qui réparait avec éclat leur premier et commun échec. Tout à Paris lui promettait le plus brillant accueil. « M. de Buckingham, disait Richelieu au marquis d’Effiat, trouvera en moi l’amitié qu’il saurait attendre d’un vrai frère, qui lui rendra tous les services qu’il saurait désirer de qui que ce soit au monde[1], » et Louis XIII lui-même lui écrivait[2] : « Je vous assure que vous ne passerez point ici pour étranger, mais pour vrai Français, puisque vous l’êtes du cœur, et que vous avez témoigné en cette rencontre du mariage votre affection si égale au bien et au service des deux couronnes que j’en fais, pour ce qui me regarde, le même état que le roi votre maître. Vous serez ici le très bienvenu et me connaîtrez en toutes occasions. » Il y avait là de quoi enivrer outre mesure l’orgueil bouillant et frivole du favori.

Il arriva à Paris le 24 mai 1625, étalant sur sa personne et dans son cortège une magnificence qui dépassait toutes celles que jusque-là il avait lui-même déployées. Il apportait dans sa garde-robe vingt-sept costumes divers, dont l’un était, dit-on, couvert de diamans valant 80,000 livres sterling. Huit grands seigneurs et vingt-quatre chevaliers l’accompagnaient, suivis chacun de six ou sept pages et d’autant de valets. Vingt gentilshommes et douze pages, ayant chacun trois riches costumes, lui étaient spécialement attachés. Sa suite comprenait en tout six ou sept cents personnes. Il alla se loger chez le duc de Chevreuse, « l’hôtel le plus richement meublé qui soit à présent en France, » dit le Mercure français, et grâce à l’intimité de son confident, lord Holland, avec la duchesse de Chevreuse, Buckingham trouva là de bien autres séductions que celles du luxe et de la richesse.

Pendant les huit jours qu’il passa à Paris, le deuil imposé par la mort de Jacques Ier diminua le nombre et la splendeur des fêtes; on avait compté sur un grand ballet où les deux jeunes reines, Anne d’Autriche et Henriette-Marie, devaient danser; il fallut y renoncer. Le cardinal de Richelieu donna un festin dont la magnificence fut vantée. Les réunions de la cour étaient fréquentes et brillantes, mais un peu oisives et vides; Anne d’Autriche et Buckingham s’y voyaient dans tout leur éclat, et le loisir ne leur manquait pas pour s’entretenir. Ils étaient l’une dans la fleur, l’autre encore dans la force de la jeunesse; Anne avait vingt-trois ans et Buckingham trente-trois. La beauté de Buckingham et les succès qu’elle lui avait valus étaient célèbres en Europe; il avait dans sa personne, dans les aventures de

  1. En décembre 1624.
  2. En avril 1625.