Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/680

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nourri leurs yeux et leur âme du spectacle si nouveau pour eux de toutes les richesses enfantées par le travail. Le dîner fini, la promenade recommence dans les cinq parties du monde ; entre six et sept heures du soir, les groupes se reforment, les visiteurs solitaires s’écoulent en silence, et les omnibus encombrés redescendent vers les différens quartiers de la ville.

Quoique l’ensemble du palais de l’industrie excite la curiosité, c’est toujours la galerie de peinture qui est le principal centre d’attraction. Aussi nous offre-t-elle l’occasion de compléter notre étude sur l’exposition de 1862[1], et après avoir parcouru les écoles étrangères, représentées par quelques œuvres choisies, nous rechercherons les caractères de l’art en Angleterre. Plus encore qu’ailleurs, la peinture a donné une forme et une expression dans la Grande-Bretagne au sentiment national, aux manières de vivre, aux habitudes populaires.


I.

Pour organiser cette exposition des œuvres d’art, le comité ne s’est adressé qu’aux peuples modernes de l’Europe. Divers obstacles s’opposent à ce que la peinture proprement dite se développe avec éclat chez les peuples de l’Asie : je n’en signalerai qu’un seul, l’état même de leurs idées en ce qui touche les rapports de l’homme avec le monde extérieur. Pour les nations de l’Orient, la nature est une hiérarchie de forces solitaires, suprêmes, incommunicables. On l’adore ou on la brise, mais on n’essaie pas même de la comprendre. Les pays où l’homme a soumis le monde extérieur à ses besoins sont aussi les seuls où il l’ait associé à ses sentimens ; or, plus encore peut-être que les autres arts, la peinture vit de ce que l’âme mêle d’elle-même aux objets de la création. Dans les rêves religieux de l’Inde, qui ont donné naissance à une architecture colossale, j’aperçois bien un dieu incarné dans l’univers, mais je ne vois nulle part l’homme identifié avec les beautés et les grandeurs du paysage. Quoi qu’il en soit des causes qui ont entravé l’essor de la peinture chez les nations asiatiques, la galerie de tableaux du palais de Kensington commence à la Turquie ; encore cette dernière ne se trouve-t-elle représentée que par un seul artiste, Musurus-Bey. Un peintre ottoman est une nouveauté, et peut même être salué comme un présage heureux de régénération chez un peuple qui a laissé dans

  1. Voyez la livraison du 1er  juillet 1862, et pour l’ensemble de la série, les livraisons du 15 septembre 1857, 15 février, 15 juin, 15 novembre 1858, ler mars, 1er  septembre et 15 décembre 1850, 15 avril, 15 septembre, 15 octobre, 1er  décembre 1860, 1er  mai, 13 juin, 1er  septembre, 15 novembre 1861, 1er  mars 1862.